Épisode 3 : L’activité physique peut-elle ralentir le processus de vieillissement?
1 novembre 2022 | 29 minutes
Joignez-vous à Brent Bishop, qui s’entretient avec le professeur Stuart Phillips, expert en kinésiologie de Hamilton (Ontario). Ils discuteront de l’activité physique et de sa capacité à ralentir le processus de vieillissement.
Remarque : tous les balados ont été enregistrés en anglais seulement.
Transcription de l’épisode
Annonceur :
Vous écoutez la série de balados Au-delà de l’âge.
Brent :
Bonjour et bienvenue au balado Au-delà de l’âge, une série exclusive de Manuvie dans laquelle nous discutons avec des experts pour faire la lumière sur la santé globale et le vieillissement. L’idée : vous aider à vivre plus longtemps et en meilleure santé, quel que soit votre âge. Je suis votre animateur, Brent Bishop, et aujourd’hui, je suis en compagnie du professeur Stuart Phillips, d’Hamilton en Ontario. Docteur en physiologie, Stuart enseigne au département de kinésiologie de l’Université McMaster. Titulaire d’une chaire de recherche du Canada de niveau 1, il dirige le centre d’excellence en activité physique PACE à la même université. Aujourd’hui, nous discuterons ensemble de la possible influence de l’exercice physique sur le déclin lié au vieillissement. Bienvenue au balado, Stuart!
Professeur Phillips :
Merci de m’avoir invité, Brent.
Brent :
Stuart, c’est vraiment super de vous avoir avec nous aujourd’hui. Je pense qu’on sera sans doute sur la même longueur d’onde, vous et moi, parce qu’on a des parcours similaires. Mais je suis curieux d’entendre votre point de vue, qui est davantage inspiré de la recherche. Peut-être pourriez-vous commencer par nous parler un peu plus de vous.
Professeur Phillips :
Oui, donc, je travaille pour l’Université McMaster depuis presque 25 ans. J’y ai même fait des études de premier cycle, il y a de cela bien longtemps! Ça a été un parcours formidable. J’ai consacré la première partie de ma carrière à tenter d’amener les jeunes à devenir plus grands, plus forts, plus rapides. Et au fil des ans, j’ai tourné la recherche un peu plus vers moi et je me suis penché sur les moyens de bien vieillir et de rester en santé même à un âge avancé. Je dirais que depuis 10 ou 12 ans, j’essaie de déterminer de quelle manière l’exercice physique et aussi un peu la nutrition peuvent interagir pour permettre aux gens de bien vieillir ou de vieillir avec succès, si je peux m’exprimer ainsi.
Brent :
J’aime ça. L’idée que vous ayez tourné la recherche vers vous! C’est une belle expression. Et qu’est-ce qui vous a amené dans ce champ du savoir en particulier? Qui est vraiment très fascinant, mais je suis curieux de savoir ce qui vous y a amené.
Professeur Phillips :
Oui, en fait j’ai fait mon baccalauréat en biochimie. Au début, je ne m’intéressais pas à la science de l’activité physique, mais j’ai fait partie des ligues sportives universitaires tout au long de mes études, principalement en rugby. J’ai aussi joué au hockey et au football. J’aimais les sports de contact, en d’autres mots! <rire> C’était mon genre de sports. Et c’est un peu représentatif de ce que je fais maintenant : je fusionne beaucoup de choses! Encore aujourd’hui j’aime comprendre les principes de la biochimie et de la biologie moléculaire qui expliquent les bienfaits de l’exercice physique. Mais je mélange ça à ce qui est ma véritable passion, c’est-à-dire rester en forme et en santé le plus longtemps possible.
Brent :
Et inspirer les autres à faire de même, d’après ce que je comprends!
Professeur Phillips :
Oui, idéalement. Ça fait en effet partie de mes objectifs maintenant. En réalité, une bonne partie de ce que j’aborde avec les gens de la communauté porte sur des moyens de les convaincre que l’activité physique est le véritable pilier d’un vieillissement en santé.
Brent :
La plupart des gens connaissent les rudiments de l’exercice et savent pourquoi c’est important d’en faire : on paraît bien, on se sent bien, c’est bon pour votre santé, votre force physique, et cetera. Mais qu’est-ce que l’exercice offre aux corps à l’échelle des cellules et comment est-ce que ça peut ralentir le vieillissement?
Professeur Phillips :
C’est une excellente question. On commence à comprendre le processus de vieillissement. Je sais que ça peut paraître étrange à dire, mais à l’échelle moléculaire, il y a probablement quatre ou cinq grandes théories du vieillissement. D’après la première théorie, nos chromosomes rétréciraient avec le temps. Donc on gruge un peu de notre ADN, qui est le modèle à partir duquel est créé l’ensemble des protéines et de tout ce qui compose notre corps. L’extrémité de nos chromosomes, ce qu’on appelle les télomères, cette extrémité rétrécirait avec l’âge. Une autre théorie veut que nos mitochondries, ces petites choses extrêmement importantes à l’intérieur de nos cellules qui génèrent de l’énergie, font de moins en moins leur travail avec l’âge. L’exercice permettrait de ralentir le déclin de ces processus essentiels qui sont responsables de ce qu’on appelle les caractéristiques clés du vieillissement.
Il y a aussi la théorie de la sénescence. Les cellules vieillissantes cessent de faire ce qu’elles doivent faire, mais elles ne meurent pas. Généralement, nos cellules meurent et nous les remplaçons. C’est le cycle normal des choses. Mais ces cellules-là se mettent tout simplement à produire des cytokines, des composés terribles qui affectent négativement toutes sortes de tissus dans notre corps. L’exercice physique ralentit efficacement ce processus. Ça ne le renverse pas. J’aimerais que ça le freine complètement, mais si c’était le cas, vous et moi discuterions pendant que je me prélasse sur une île de Tahiti, confortablement assis sur mes millions de dollars! Mais l’exercice ralentit ces processus. Il est important d’insister sur un autre point : on pense qu’en faisant de l’exercice, on se fait des muscles, tout simplement. Mais on commence à comprendre que les muscles libèrent toutes sortes de choses qu’on ne soupçonnait pas dans notre sang, des substances qui ont peut-être des effets sur d’autres parties du corps bien éloignées des tissus musculaires. On commence à découvrir les sous-couches de la biologie moléculaire et à comprendre les mécanismes de l’exercice qui ralentissent le vieillissement ou qui, du moins, nous permettent de le gérer un peu mieux. Il y a une phrase que j’aime bien. Elle n’est pas de moi, on est plusieurs à l’avoir citée d’ailleurs : si l’exercice se présentait sous forme de comprimés, ce serait le médicament le plus prescrit au monde. Malheureusement, un tel comprimé n’existera jamais. Il faut se lever et bouger, ça, c’est sûr.
Brent :
Et les gens doivent prendre conscience que, si on ne peut pas renverser le processus de vieillissement, comme vous l’avez dit, on peut ralentir le déclin. Faites de l’activité physique et contribuez à ralentir votre vieillissement. Et je suis d’accord avec vous. Je dis toujours que l’activité physique est le médicament numéro un dans le monde. Tout au long de ma carrière, j’ai pu voir ce que l’exercice fait sur les gens de tous âges, sur le plan physique, mais aussi mental. D’après vous, qu’est-ce qui fait de l’exercice un formidable outil anti-vieillissement?
Professeur Phillips :
Vous venez tout juste d’en parler, Brent. Et votre question met en lumière de nouvelles frontières qu’on est en train de découvrir. Et ça, ce n’est pas le fruit de mon travail. Je suis entouré par de jeunes et brillants collègues qui m’apprennent plein de choses. Vous m’auriez demandé, il y a 10 ans, si je croyais que l’exercice contribuait réellement à modifier physiquement notre cerveau, j’aurais répondu que non. Aujourd’hui, on sait que l’exercice modifie la taille de l’hippocampe, qui est une composante très importante de notre cerveau et qui connaît un déclin avec l’âge. On commence à comprendre les liens qui existent entre l’exercice et la santé mentale, la dépression et l’anxiété. Des liens dont j’aurais douté il y a à peine cinq ans. Aujourd’hui, je me dis que c’est quelque chose à considérer. Et dans 10 ans, on pourra découvrir de nouvelles sous-couches encore.
Et je crois qu’on ne peut plus en douter. On comprend la santé du cœur, de l’appareil respiratoire. On comprend la santé musculaire, on commence à bien saisir la santé métabolique; et maintenant, on s’intéresse au cerveau. Et si tous ces organes se mettaient à aller mal, il faudrait prendre plusieurs médicaments pour les cibler tous. Et c’est le point essentiel. En 100 ans, l’espérance de vie a grimpé de 30 ans. C’est un miracle médical des temps modernes. Absolument. Mais nous n’avons pas gagné 30 ans de santé. Hum. On parle maintenant de ce qu’on pourrait appeler l’« espérance de santé » pour décrire la qualité de vie qu’on conserve en vieillissant. Et il n’y a rien comme l’exercice pour améliorer la qualité de vie. Exactement.
Brent :
Oui. C’est le meilleur médicament qui existe et en plus, il est gratuit! Oui <rire>! C’est un de ses grands avantages. Bon, on peut toujours s’inscrire à un gym, mais on peut aussi bouger gratuitement, ce qui est fantastique. Selon vous, quel est l’effet du vieillissement des muscles et du squelette sur la santé et le bien-être global des gens? Quelles autres parties du corps est-ce que ça touche?
Professeur Phillips :
C’est une bonne question. J’aime dire aux gens que les muscles sont des organes ou des tissus sous-évalués. Pourtant, si on n’a pas de muscles, on ne peut pas bouger. C’est la première chose que les gens comprennent. Et la mobilité physique est essentielle; c’est un élément fondamental d’un vieillissement en santé. Les muscles permettent aussi d’éliminer beaucoup de sucre. Plus vous en avez, plus ils sont actifs, plus le risque que vous développiez un diabète de type II diminue. Aussi, notre corps compte deux sortes de tissus… les muscles et le foie. Notre foie est extrêmement actif du point de vue métabolique, malgré sa petite taille. Mais on a beaucoup de muscles. Ils ne sont actifs que si vous êtes actif, mais ils contribuent largement à la dépense quotidienne d’énergie. Quand vous perdez du muscle, le risque que vous gagniez du poids ou que vous tombiez en surpoids augmente.
Accessoirement, il y a de nombreux enjeux métaboliques qui sont associés au fait d’avoir une faible masse musculaire, donc de manquer de force. Et c’est très sous-estimé. Les gens se disent que ce n’est que du muscle, que ce n’est pas très grave d’en perdre avec l’âge. Qu’il faut plutôt s’inquiéter de notre cœur et de nos poumons. Et vous devriez, c’est vrai. Mais ce que j’ajouterais, c’est que si vous êtes actif, c’est aussi un enjeu musculaire, autant qu’un enjeu cardiovasculaire. La santé métabolique repose vraiment sur le fait d’avoir des muscles les plus actifs possibles.
Brent :
C’est un bon point. Les gens ne savent pas nécessairement à quel point c’est important de maintenir leurs tissus musculaires. Ils ne savent pas que ça a une influence non seulement sur leur force et la taille de leurs muscles, mais aussi sur leur métabolisme. C’est très important. Donc, les muscles sont souvent négligés quand on regarde le portrait général d’un vieillissement en santé. Spontanément, on se dit que si on a plus de muscles, on est plus forts. On peut aussi penser que ça donne une meilleure posture, peut-être moins de risque de se blesser. Mais si on creuse un peu, est-ce qu’il y a des muscles ou des parties de notre squelette qui risquent davantage de s’affaiblir ou d’être sous-utilisés avec le temps? Et est-ce qu’on peut faire quelque chose en prévention?
Professeur Phillips :
Oui, je pense qu’il est généralement admis qu’on faiblit en vieillissant! Et c’est vrai. Personne n’a encore trouvé la solution pour revenir dans le temps. Je ne dirais pas que l’exercice peut ralentir les aiguilles de l’horloge, si je peux m’exprimer ainsi. Mais le phénomène de la sarcopénie, terme clinique qui désigne la perte de muscle associée au vieillissement, peut être atténué, et ce, de façon plutôt efficace. L’exercice et l’haltérophilie seraient, bien entendus, les meilleurs moyens d’y parvenir. L’alimentation peut aussi jouer un rôle pour soutenir notre squelette. Je pense que la plupart des gens peuvent s’adonner à la marche. Leurs jambes bougent donc passablement. Mais pas la partie supérieure de leur corps et certaines tâches peuvent devenir difficiles avec l’âge.
Je vais vous donner un exemple. Quand je voyage, je vois parfois des gens qui sont incapables de placer leur bagage dans le compartiment au-dessus de leur siège. Leur sac pèse à peine 10 kilos. Quelles autres tâches ces gens sont-ils incapables de faire et qui impliquent de lever des objets au-dessus de leur tête? Et peu importe ce que les gens disent… Tout le monde dit que les jambes sont importantes. Elles le sont, sans aucun doute. Mais quand vous vous levez d’une chaise, vous avez aussi besoin de vos triceps et d’autres muscles. Il faut travailler l’ensemble de votre musculature. En définitive, il faut pouvoir se lever d’une chaise. Quand on n’est plus capables de faire ça, ce sont les centres d’hébergement de longue durée qui nous attendent. Il faut conserver de la force et donc il faut conserver ses muscles en amont, c’est la clé en vieillissant.
Brent :
C’est tellement vrai. Oui, on peut reconnaître les gens qui sont plus actifs et ceux qui, dans le public, ont vraiment besoin d’aide. On sait que l’alimentation et la force musculaire sont deux éléments importants. Comment ces deux éléments interagissent-ils et quels programmes nutritionnels ou quelles interventions semblent favoriser un vieillissement des muscles plus sain?
Professeur Phillips :
Ce que j’explique aux gens, c’est que l’activité physique permet aux muscles et aux autres tissus du corps de s’adapter et que l’alimentation vient combler les lacunes. Elle fournit tous les éléments constitutifs et les substrats nécessaires aux adaptations qui se produisent. Donc les bienfaits de l’activité se produisent pendant la période de récupération, une fois l’exercice terminé. En fait, il y a trois choses qu’on dit aux gens. La première, c’est que vous devez vous réhydrater après un exercice, il faut vous ravitailler. Principalement grâce à des glucides, même si beaucoup de gens adoptent des régimes pauvres en glucides. Ce n’est pas nécessairement mauvais; certaines personnes arrivent à bien gérer ce type de régime. Et enfin, il y a l’aspect réparation. Donc, c’est la règle des trois R : réhydratation, ravitaillement et réparation. La réparation requiert des protéines. On met surtout l’accent sur les sources de protéines complètes – pas nécessairement d’origine animale, elles peuvent être d’origine végétale.
Il en existe d’excellentes sources. La seule chose qu’on enseigne réellement aux gens en matière de nutrition, c’est de favoriser les aliments disposés dans le pourtour de l’épicerie. C’est là que se trouvent ce que j’appellerais les vrais aliments, les aliments non artificiels. Mm-hmm. Il faut éviter les aliments ultra-transformés. On suggère aux gens d’éviter l’allée des croustilles et des biscuits et de choisir des fruits frais, des légumes, des produits laitiers, de la viande si vous voulez ou sinon, des substituts végétaux. Et il faut aussi s’appuyer sur le pilier de l’activité physique. Il y a aussi une part de vie sociale, et puis une bonne alimentation. Si vous rassemblez ces trois éléments, vous ne pouvez pas vraiment vous tromper.
Brent :
Excellent. Dans mon travail, je constate que les gens qui font de l’exercice négligent le volet « récupération » ou « réparation » ou ignorent son importance.
Professeur Phillips :
Tout à fait.
Brent :
Excellent. Et bien nous allons faire une petite pause vous retrouverons tout de suite après ce message,
Présentateur :
Vous aimez notre émission jusqu’à présent? N’oubliez pas de consulter notre site Web, Manuvie.ca/vivre-en-meilleure-sante, pour obtenir d’autres conseils, vidéos et contenus de Manuvie qui peuvent vous aider à vivre plus longtemps en santé, quel que soit votre âge.
Brent :
Nous sommes de retour à Au-delà de l’âge. J’aimerais en savoir plus sur le centre d’excellence sur l’activité physique que vous dirigez, le centre PACE. Qu’avez-vous observé avec les cinq programmes du centre? Est-ce que certains exercices peuvent favoriser une meilleure santé ou ralentir le vieillissement des gens qui souffrent de blessures à la moelle épinière, qui se remettent d’un problème cardiaque ou d’un cancer, même?
Professeur Phillips :
J’aimerais commencer par dire que c’est un des aspects que j’aime le plus de mon travail. J’ai pris la direction du centre il y a presque sept ans maintenant, je crois. Et je traversais l’installation presque tous les jours parce que c’était sur le chemin de mon bureau. Et je la tenais pour acquise. Je me disais : « C’est vraiment un excellent centre. Plus de 500 membres de la communauté le fréquentent. » Depuis que je suis directeur, je constate qu’il y a vraiment quelque chose de magique qui se produit chez nous. La moyenne d’âge des gens qui viennent nous voir est de 73 ans, mais on a des jeunes dans la vingtaine qui ont la sclérose en plaques ou des blessures à la moelle épinière. Notre plus vieux participant a 104 ans. Wow. Oui, il est tout un phénomène! Je lui dis souvent qu’il bouge comme un homme de 75 ans.
Il est vraiment fantastique. Et c’est mon modèle : je veux vieillir aussi bien que lui. Donc, la chose la plus importante, je dirais que c’est l’exercice et une part d’interactions sociales, ce qui est un peu implicite dans la notion de centre. Ce sont deux piliers d’un vieillissement en santé, et ce, même en présence de maladies chroniques. Les patients qui viennent nous voir et qui souffrent de sclérose en plaques, de blessures à la moelle épinière ou de cancer s’attendent à s’entraîner dans la douleur. Et nous, tout ce qu’on veut, c’est de les rendre un peu plus actifs. On veut les aider à atteindre leur but. Un an plus tard, ils ont le sourire aux lèvres. Ils n’en reviennent pas d’avoir poursuivi leur démarche jusque-là. C’est très valorisant pour nous.
Brent :
J’adore quand les gens continuent d’être actifs en vieillissant. Bien sûr, on peut adapter le type d’activité qu’on fait. Mais c’est important de continuer. 104 ans! C’est formidable. Et je suis d’accord avec vous. L’aspect social joue aussi un rôle important pour notre santé en général. Comme vous, j’ai travaillé avec des gens de tout âge, des jeunes et des moins jeunes, des gens qui ont 70, 80 ans. On observe d’excellents résultats par rapport à la forme qu’ils avaient en commençant. Mais d’après vous, est-il parfois trop tard pour commencer l’activité physique? Est-ce que ça devient dangereux, à un certain âge, de commencer à bouger? D’après moi, il n’est jamais trop tard pour commencer. Je présume que vous serez d’accord avec moi là-dessus.
Professeur Phillips :
Il n’est jamais trop tard. Pourtant, les gens croient honnêtement le contraire. Ils nous disent : « Mais je n’ai jamais fait ça. » Et on leur répond que c’est correct. On a des patients de 70, 80 ans qui entreprennent des exercices d’haltérophilie et une routine de mise en forme pour la première fois de leur vie. Ça les intimide. Mais on les rassure en leur disant que tous les exercices proposés respectent leurs limites. On se fout de ce que les autres peuvent faire. On établit des programmes pour chaque personne, selon l’enjeu de santé avec lequel elle doit composer. Évidemment, si c’est un patient qui est en réadaptation cardiologique, on commencera doucement et on augmentera la difficulté seulement quand la personne s’y sentira prête. Les gens se surprennent eux-mêmes lorsque la routine devient bien ancrée et qu’ils y adhèrent. J’aimerais qu’il y ait une formule magique pour exprimer ce que je veux dire, mais en fait, tout part vraiment d’une décision consciente et de l’application de changements.
Ce n’est pas facile. Il faut le dire. Mais les bienfaits sont énormes. La réponse courte, c’est que non, il n’est jamais trop tard pour commencer à bouger. Et en fait, comme pour n’importe quelle habitude de vie saine, plus on commence tôt, plus grands sont les bienfaits. Mais il y a aura des bienfaits, peu importe l’âge auquel on commence. Il y a une autre chose que je voudrais clarifier aussi : ce n’est pas nécessaire de fréquenter un gym. Ce n’est pas non plus nécessaire de se soumettre à des entraînements intenses, de suer à fond jusqu’à l’épuisement pour en tirer les bienfaits. C’est une perspective récente : quelle est la quantité minimale d’exercice physique à faire pour en tirer les bienfaits? La plus grande amélioration se produit quand on amène un patient qui ne fait pas ou très peu d’exercice à en faire un peu. Et par un peu, je parle d’une marche de 10 minutes par jour. Les gens sont étonnés. « Je pensais qu’il fallait viser 150 minutes. » Ça, c’est la durée optimale à atteindre dans une semaine. Mais 10 minutes par jour, 5 fois par semaine, ça fait 50 minutes, et ça produit déjà d’énormes bienfaits. Ça ressemble à ce qu’on appelle une incitation ou un encouragement à bouger plutôt qu’une prescription imposante d’activité physique. Mais ça apporte de grands bienfaits. Il n’est pas nécessaire d’en faire beaucoup, et il n’est jamais, jamais, jamais trop tard pour s’y mettre.
Brent :
Oui. Et souvent, ce qui arrive, c’est que les gens commencent à sentir les bienfaits de l’activité physique, n’est-ce pas? Ils commencent avec une durée d’activité qu’ils peuvent facilement insérer dans leur vie en quelques semaines. Et ce 10 minutes se transforme en 15 minutes, puis en 20. Il y a un progrès qui s’effectue, ce qui est formidable.
Professeur Phillips :
Oui, certainement. Et c’est la clé, non?
Brent :
Absolument. Vous avez publié un article intéressant récemment dans le Globe and Mail. Vous établissiez un lien entre la force musculaire et les muscles en général, d’une part, et le fait de lever des poids plus légers ou plus lourds, d’autre part. Probablement que ça a choqué certaines personnes. Est-ce qu’il y a des mythes ou des données désuètes à propos de l’exercice que vous cherchez à déboulonner, et pourquoi?
Professeur Phillips :
Oui, il nous a fallu beaucoup de temps et trois étudiants au doctorat sous ma direction pour réussir à bien comprendre l’incidence du poids des haltères levés. Et je serais le premier à dire, moi qui passe depuis longtemps beaucoup de temps dans une salle de musculation et qui, plus jeune, ne jurais que par les poids lourds… Si ce n’était pas lourd, si ça ne demandait pas un effort immense pour essayer de lever un poids, ça ne valait tout simplement pas la peine. Mais les choses changent en vieillissant. Les articulations nous font de plus en plus souffrir : les genoux, les coudes, les épaules… On finit par se demander si on peut toujours lever même les poids les plus légers. Quand on a entamé notre projet de recherche, on partait vraiment avec l’idée que tant que vous fournissez un certain niveau d’effort, en fin de compte, peu importe l’exercice que vous avez fait, que vous ayez levé des poids lourds ou légers, ce n’est probablement pas important.
Autrement dit, tout est une question d’effort. Si, sur une échelle d’effort perçu, vous atteignez 8 ou 9 sur 10 – il y a des jours où on ne le sent pas, je comprends parfaitement, c’est un jour à 6 ou 7 – mais si vous pouvez finir à un niveau de 8 ou 9, dans ce cas les poids n’ont pas besoin d’être très lourds et vous obtiendrez quand même les bienfaits de l’activité. Ma seule réticence par rapport à « si ce n’est pas lourd, ça ne vaut pas la peine », réside dans la démonstration de la recherche qui est actuellement menée dans la foulée. En fait, on n’a rien inventé. On a peut-être popularisé la notion, mais il y a beaucoup de gens qui ont fait leur recherche de leur côté et qui sont revenus pour nous dire qu’ils avaient conclu la même chose que nous.
Donc, il y a des avantages avec les deux. Et c’est certain que les exercices d’aérobie sont super : il faut rester en forme. Il faut garder son cœur et ses poumons en santé. Mais à un certain moment, quand on vieillit, on doit gagner un peu de muscle pour ne pas s’affaiblir. Dans ce contexte, il peut être bon d’intégrer des exercices de musculation dans sa routine. Mais ça n’a pas besoin d’être des poids très lourds. Dans un gym, on peut même utiliser le poids corporel. Et en fait, de ce point de vue, c’est le seul test important : il faut pouvoir bouger son propre corps. Oui. On tombe alors dans le paradigme des poids plus légers, j’imagine.
Brent :
C’est très intéressant. C’est aussi, dans une certaine mesure, un soulagement, je trouve. En vieillissant – et moi aussi je vieillis, tranquillement; je dis bien « tranquillement » <rire>… est-ce que ça n’enlève pas un peu de pression sur les articulations? Est-ce que ça ne réduit pas les risques de blessure si on lève des poids moins lourds et qu’on augmente les répétitions pour atteindre un niveau d’effort perçu de 8 ou 9 sur 10, comme vous l’avez mentionné?
Professeur Phillips :
Oui, c’est une des raisons qui nous a poussés à entamer le projet de recherche au départ. Par ailleurs, si vous êtes bien accompagnés, vous pouvez certainement lever des poids plus lourds si ce n’est pas un problème pour vous. Mais pour beaucoup de gens, c’est un frein. Et plusieurs aussi ne veulent pas lever lourd ou n’ont pas d’intérêt pour ce type d’exercice à cause de la pression que ça met sur leurs articulations, justement. L’objectif, c’est d’amener les gens à faire une activité dans laquelle ils sentent qu’ils peuvent progresser. Et manifestement, si vous commencez avec des poids légers, vous devenez plutôt forts assez rapidement. Ça crée une chaîne de réaction positive et les gens aiment leur expérience un peu plus que s’ils arrivent au gym et qu’on leur dit de se placer au banc de musculation, qu’on va charger leur barre…
Pour beaucoup de gens, c’est très intimidant. Ce n’est pas un environnement qu’ils aiment. Si vous aimez ça, évidemment, n’arrêtez pas! Mais on a constaté un plus haut degré d’acceptation, particulièrement chez les gens plus âgés, pour l’haltérophilie si les poids étaient légers au départ. Ça permet aux gens de gagner de la confiance dans leur capacité. Ils se disent qu’ils sont capables. Qu’ils peuvent poursuivre ce type d’entraînement. Encore une fois, ça n’a pas besoin d’être lourd. C’est l’effort investi qui compte au final. Oui, ils travaillent fort et c’est l’important. Pour une bonne partie des gens qui hésitent à se lancer, l’idée selon laquelle des poids légers sont tout aussi efficaces peut être attrayante, certainement.
Brent :
Excellent. Exact. Augmenter l’adhésion à un programme et bâtir sa confiance sont d’autres moyens d’établir une certaine constance. Parlant d’exercice, avez-vous des suggestions sur des types d’entraînement qui seraient accessibles à tous pour ralentir le vieillissement?
Professeur Phillips :
Évidemment, la première chose qu’on peut suggérer aux gens pour qu’ils soient plus actifs, c’est d’aller marcher. J’en apprends beaucoup plus sur l’environnement dans lequel les gens bougent. Par opposition aux gens qui marchent en ville, les personnes qui marchent dans la nature, près des arbres, éprouvent un plus grand sentiment de satisfaction émotionnelle. Encore une fois, vous m’auriez posé la question il y a deux ou trois ans et j’aurais dit que ça ne fait probablement pas une grande différence. Mais la recherche est claire. J’essaie de dire aux gens que le plus important, c’est de faire ce qu’on aime. Moi, j’aime m’entraîner. Mais il y a des exercices que je n’aime pas faire, donc je ne les fais pas.
Comment je pourrais imposer aux autres de faire des exercices qu’ils n’aiment pas si je ne me l’impose pas à moi-même? Certaines personnes aiment les entraînements à intervalles de haute intensité. J’ai un collègue qui ne jure que par les intervalles de course rapide. Je sais que ce sont de super entraînements. Mais personnellement, je n’aime pas cela, donc je n’en fais pas. Donc, assurez-vous de choisir une activité que vous aimez. Les exercices au poids du corps ne requièrent aucun équipement. Vous pouvez aussi vous entraîner avec des élastiques. YouTube est aujourd’hui devenu une excellente ressource pour des entraînements gratuits qui peuvent très bien vous guider et vous faire progresser. Inscrivez-vous à un cours si vous aimez vous entraîner avec des gens. Si vous préférez vous entraîner seul, trouvez des exercices à faire à la maison. Choisissez un endroit où vous vous sentez soutenu dans votre démarche. C’est l’aspect social de la chose; la magie opère, tout simplement! Je ne dirais pas qu’il y a des exercices en particulier qui aident; c’est un choix très personnel. Encore une fois, commencez petit, fixez-vous des objectifs réalistes, aimez ce que vous faites et progressez quand ça se passe bien et que vous vous sentez capable de le faire. Mais bon, c’est presque gênant de parler de tous les bienfaits que l’exercice peut vous apporter.
Brent :
Je suis d’accord. Il est très, très important de se laisser guider par nos intérêts. J’ajouterais – et vous serez probablement d’accord avec moi sur ce point – de varier. Exact. Varier les exercices pour éviter la monotonie, pour ne pas répéter le même entraînement semaine après semaine.
Professeur Phillips :
Exact. Mais étrangement, certaines personnes aiment ça. Je ne suis pas le type de personne qui aime la sécurité de faire la même routine d’entraînement tous les jours. Ça me paraît fou! <rire> Je préfère la variété. Ainsi je ne m’ennuie pas. Parfois, je me mets au défi. Parfois, je suis simplement content de m’être présenté à l’entraînement, de pédaler un peu ou de faire quelques répétitions d’un exercice. Et c’est assez pour ce jour-là. Je n’ai pas de compétition en vue.
Brent :
C’est un autre très bon point. Les gens croient souvent à tort qu’ils doivent se pousser jusqu’à leur extrême limite chaque fois qu’ils s’entraînent. Il se peut que certains jours, vous sortiez marcher et que l’objectif soit simplement de vous changer les idées ou, comme vous l’avez dit, de passer du temps en nature et de bouger, ou de miser sur la mobilité.
Professeur Phillips :
Absolument. Je crois qu’on s’est tiré dans le pied un peu en disant aux gens que les entraînements devaient être intenses, qu’ils devaient fréquenter des installations dédiées au sport… Si ce type d’entraînement vous plaît, encore une fois, allez-y! Mais pour la plupart des gens, il faut d’abord prendre conscience que pour faire de l’exercice une habitude, il faut d’abord de la constance. Et si ce n’est pas agréable, vous ne persévérerez sans doute pas longtemps. Dans tout ça, parfois, il suffit de se présenter à l’entraînement. Et c’est la partie la plus dure. Et d’accepter, parfois, qu’aujourd’hui ce ne soit pas un entraînement intense où je me donne à fond. Ce sera un entraînement pour moi, tout simplement. Et je vais faire des exercices plus légers. Ou je vais simplement sortir marcher. Et quand les gens s’enlèvent cette pression des épaules, c’est un grand pas qu’ils franchissent et qui leur permet de réaliser qu’ils aiment faire telle ou telle activité. Donc, oui, c’est un bon message à communiquer.
Brent :
Mais c’est drôle – et je suis sûr que vous serez d’accord avec moi –, les gens qui ne sont pas actifs ou qui craignent de faire le saut pensent souvent qu’ils doivent s’engager à fond, s’entraîner au point de s’évanouir ou presque. Non. L’idée, c’est de simplement commencer à bouger. Vous savez, c’est tellement important.
Professeur Phillips :
Exact. Il y a une partie du problème qui prend racine dans la culture. Je parle souvent à des gens qui disent détester l’activité physique. Et je leur demande : « Mais pourquoi? » Et plusieurs me répondent qu’au primaire, ils étaient un peu plus enveloppés et que leur professeur d’éducation physique s’est moqué d’eux. Chaque fois, je me dis : « Ce type de comportement doit cesser. » Chaque enfant de 10 ans veut jouer. C’est intéressant. Je ne peux pas imaginer mon enfance sans sport, mais je comprends que ce n’est pas tout le monde qui aime le sport. Nous venons d’en discuter. Et c’est une des choses que j’essaie de communiquer aux enfants, aux adultes, aux enseignants. L’activité physique peut prendre d’autres formes que le sport. Le sport, c’est super. J’adore le sport, c’est un excellent outil. On apprend plein de choses en pratiquant un sport. Mais certaines enfants ont juste besoin qu’on leur enseigne que l’activité physique demeure une bonne chose et que ça n’a pas besoin de prendre la forme d’un sport. Ils ne sont pas obligés de jouer au soccer ou de pratiquer tel ou tel sport. Tous les enfants aiment aller dehors et jouer. Vous voyez? Donc, parfois, il suffit de jouer.
Brent :
Oui, exactement. Et à un certain moment dans la vie, on perd cette faculté à jouer. Avec le temps, le travail prend le dessus; la vie prend le dessus; on reste assis beaucoup trop longtemps.
Professeur Phillips :
Oui, c’est ce que je fais aussi. Je suis assis à mon bureau et je dis aux gens que, si ce n’était pas d’un effort conscient… Et je suis du type matinal. La première chose que je fais au réveil, c’est de m’entraîner. Mais au travail, je dois faire un effort conscient pour ne pas rester assis toute la journée, pour me lever à l’occasion, aller marcher, monter, descendre. Ça fait une différence. Exact. <rire>
Brent :
Ça fait une telle différence, physiquement et mentalement. Ça a vraiment été super de discuter avec vous. On a appris plein de choses. Avant de nous quitter, y aurait-il une leçon que vous aimeriez que nos auditeurs retiennent? Une leçon que vous jugez particulièrement importante d’après votre expérience?
Professeur Phillips :
Il n’est jamais trop tard pour commencer à faire de l’exercice. Si vous n’en faites pas pour le moment, commencez. Et ça n’a pas besoin d’être très intense. Choisissez une activité que vous aimez, pratiquez-la avec constance et vous en ressentirez les bienfaits. Exactement.
Brent :
C’est bien noté! Un grand merci, professeur Stuart Phillips, d’avoir été avec nous aujourd’hui. Oui,
Professeur Phillips :
Merci. Fantastique.
Brent :
C’est tout pour aujourd’hui. Merci d’avoir écouté un épisode du balado d’Au-delà de l’âge, une exclusivité de Manuvie. Ne manquez pas notre prochain épisode! Nous nous entretiendrons avec Bryce Wylde de Toronto, LE spécialiste en médecine parallèle au Canada. Nous parlerons de vieillissement, d’anxiété et des effets du stress sur le corps. N’oubliez pas de consulter notre site Web, Manuvie.ca/vivre-en-meilleure-sante, pour obtenir d’autres conseils, vidéos et contenus de Manuvie qui peuvent vous aider à vivre plus longtemps en santé, quel que soit votre âge.
Annonceur :
Les pensées et les opinions exprimées sont celles de l’animateur et de ses invités; elles ne représentent pas nécessairement celles de Manuvie.