En 2006, mon père est décédé d’une insuffisance hépatique après avoir combattu l’hépatite C. Jusqu’à son décès, il a travaillé comme programmeur informatique et c’est uniquement lui qui pourvoyait aux besoins de ma famille. Mes parents avaient immigré du Pakistan à Toronto en quête d’une vie meilleure. Cependant, après le décès de mon père, tout ce qui restait à ma mère, c’était deux jeunes enfants, une hypothèque et 200 $ en poche. Elle n’avait pas d’emploi et aucune famille au Canada. Aussi, mon père n’avait pas souscrit une assurance vie.
Après son décès, ma mère s’est trouvé du travail dans un café local et elle travaillait généralement entre 12 et 16 heures par jour. Ma sœur et moi nous occupions de nous-mêmes pendant que maman était au travail, et cela ne nous dérangeait pas de ne jamais manger au restaurant ou de ne pas pouvoir nous payer des vêtements neufs. Nous savions que notre mère faisait tout ce qu’elle pouvait pour nous et que tout ce qui comptait maintenant était que nous travaillions fort pour ne plus avoir à lutter pour survivre.
L’école était le seul aspect stable de ma vie et j’étais douée pour les études. J’ai été membre de l’équipe de débats oratoires pendant toutes mes études secondaires et je rêvais de fréquenter la faculté de droit de Harvard. J’ai même terminé mes études secondaires avec une moyenne de 93 %. Mais, après avoir assisté à une séance d’information, j’ai su que ma famille ne pouvait pas se le permettre et que je devais économiser moi-même si je voulais aller de l’avant. J’y serais aujourd’hui, si mon père nous avait laissé une assurance vie.
À 15 ans, j’ai trouvé un emploi à temps partiel dans un restaurant pour me mettre de l’argent de côté. Je m’assurais de récupérer les quarts de travail de collègues afin de pouvoir travailler un horaire à temps plein. On m’a également proposé un stage rémunéré à temps plein dans une banque, où je travaillais de 8 heures à 15 heures, puis de 17 heures à minuit au restaurant. À l’âge de 16 ans, j’ai été agressée sexuellement par un autre employé du restaurant. J’ai laissé les abus se poursuivre pendant des mois, de peur de perdre mon emploi et de devoir renoncer à mon rêve de fréquenter une université prestigieuse. Lorsque j’ai fini par signaler les abus à la direction, on m’a dit que je ne ferais jamais mon entrée dans une université prestigieuse et que je devrais donc simplement démissionner maintenant. J’ai ensuite été forcée à démissionner et je me suis retrouvée dans un hôpital psychiatrique après avoir lutté contre l’ESPT et la dépression.
J’ai décidé de fréquenter l’UBC parce que les frais de scolarité étaient moins élevés que ceux des universités ontariennes. Je poursuis un diplôme spécialisé en philosophie et j’ai une moyenne pondérée cumulative de 4,7. J’ai l’intention de poursuivre des études de droit afin de pouvoir obtenir justice pour les personnes qui, comme moi, ont subi des violences sexuelles.
Tout au long de mes études, j’ai occupé des emplois à temps partiel et j’ai également travaillé à temps plein pendant un an et demi tout en étudiant à temps plein. J’ai appris ce qu’est vivre au jour le jour, me rendre chaque semaine à des banques alimentaires et remplir toutes mes cartes de crédit. Aujourd’hui, mon compte bancaire affiche un solde négatif de 200 $. Malgré cela, je sais que je pourrai un jour offrir à ma mère, à moi-même et à ma sœur la vie que nous aurions dû avoir si mon père avait correctement planifié notre avenir au lieu de nous laisser sans rien.