Points à retenir
- Une approche universelle ne suffit pas, selon nous, pour relever les défis sans précédent auxquels les régimes de retraite font face aujourd’hui.
- Pour rédiger ce document, nous avons fait appel à une école de commerce renommée à laquelle nous avons confié l’établissement d’un régime de retraite modèle. En utilisant une technologie de simulation et de modélisation de pointe, nous avons fait ressortir les avantages évidents de l’investissement guidé par le passif (IGP) comme moyen d’améliorer les résultats des régimes de retraite.
- À notre avis, les résultats de simulation montrent que l’intégration de la concordance des durées par taux clés, l’ajout d’actifs « plus » et l’adoption d’une stratégie dynamique de réduction des risques nous permettent non seulement d’atténuer avec le temps la volatilité de la situation de capitalisation d’un régime, mais aussi de faire croître la probabilité que le régime atteigne la pleine capitalisation.
Depuis la crise financière mondiale, les régimes de retraite se tournent de plus en plus vers une approche d’IGP afin d’assurer la gestion des risques. Le versement intégral et ponctuel des rentes aux participants d’un régime requiert une stratégie de placement aussi solide que possible.
En quoi l’investissement guidé par le passif se distingue-t-il?
L’IGP est une stratégie globale de placement qui s’applique tant à l’actif qu’au passif d’un régime. L’IGP tient compte du fait que, si le but d’un régime de retraite est d’effectuer tous les versements de prestations dans leur intégralité et à temps, l’efficacité de toute stratégie de placement devrait être évaluée contre ce seul et unique critère, d’où cette conclusion simple : le baromètre d’un régime de retraite devrait être son propre passif plutôt qu’un indice ou une série d’indices des marchés financiers. Selon cette approche, toutes les décisions de placement et, surtout, toutes les décisions liées à la gestion des risques devraient s’appuyer résolument sur le profil des passifs du régime plutôt que sur les indices de marché. Concevoir une stratégie de placement qui accorde peu d’importance, ou n’accorde aucune importance, à la structure et à la nature des passifs d’un régime s’apparenterait au travail d’un cordonnier fabriquant une paire de souliers d’une facture très élaborée pour un client dont il n’aurait pas au préalable mesuré les pieds.
Vu sous cet angle, le passif d’un régime représente un actif négatif. Cet actif négatif présente des caractéristiques de risque semblables à celles d’un portefeuille d’obligations puisque le passif comprend des versements fixes (dont certains sont liés à l’inflation) étalés dans le temps. Par conséquent, ce passif peut être évalué de la même manière qu’un portefeuille de titres à revenu fixe composé d’obligations gouvernementales et de sociétés. De plus, la valeur de ce passif sera exposée aux mêmes risques économiques intrinsèques qu’un portefeuille d’obligations : sa valeur diminuera lorsque les taux d’intérêt augmentent et augmentera lorsque ces derniers diminuent. Enfin, la valeur du passif augmentera lorsque la hausse de l’inflation est plus élevée que prévu et diminuera lorsque l’inflation réalisée baisse.
On dit généralement de ces risques qu’ils ne sont pas récompensés. Si nous faisons l’hypothèse que les taux d’intérêt et les taux d’inflation ont tendance à revenir à la moyenne avec le temps, la situation financière du régime sera exposée à la volatilité des taux d’intérêt et de l’inflation, mais la prise de ces risques ne générera aucun gain à long terme. Cela contraste avec les risques liés aux autres placements tels que les actions. Certes, les cours des actions fluctuent avec le temps, mais on peut supposer que le fait de détenir des actions s’accompagne d’une prime de risque positive à long terme, qui rémunère les investisseurs.
Si les risques liés aux taux d’intérêt et à l’inflation ne sont pas récompensés, à quoi bon les prendre?
Une stratégie d’IGP comporte habituellement deux principaux éléments. Le premier consiste à couvrir autant que possible, ou dans la mesure où cela est abordable, les risques non récompensés liés au passif du régime. Pour ce faire, on peut construire un portefeuille d’obligations et y ajouter des produits dérivés, par exemple des swaps, dont les caractéristiques de risque s’apparentent à celles du passif. Lorsque les risques sont parfaitement couverts (ce qui n’est pas toujours réalisable), toute augmentation de la valeur du passif sera appariée à une augmentation de valeur compensatoire dans le portefeuille des titres à revenu fixe. Le régime peut ainsi se rapprocher de la panacée en matière de gestion des risques.
Cependant, si un régime est déficitaire – ce qui se produit lorsque la valeur de l’actif est inférieure à celle du passif – la construction d’un portefeuille de titres à revenu fixe qui reproduit les variations de valeur du passif ne peut, en soi, être suffisante pour compenser le déficit. C’est là que la construction d’un bon portefeuille d’actifs axés sur le rendement intervient en tant que deuxième élément clé d’une stratégie d’IGP. Les actifs axés sur le rendement sont censés s’apprécier avec le temps, comblant l’écart entre la valeur de l’actif et celle du passif, aidant les fonds à être suffisants pour honorer tous les versements de rente prévus.
Une approche de rechange à l’investissement guidé par le passif
Les titres faisant traditionnellement partie de la catégorie des actifs de croissance consistent en actions de sociétés cotées en bourse, mais la valeur des actifs de cette catégorie peut s’effondrer. De plus, en situation de crise, il y a généralement une corrélation négative entre les actions et les titres du Trésor : le passif risque d’augmenter en proportion de la diminution des actions, ce qui aggrave le problème.
C’est pourquoi certains régimes de retraite remédient à ce problème de deux façons complémentaires, qui cadrent avec la philosophie de l’IGP. Premièrement, les régimes peuvent diversifier leur portefeuille de croissance en puisant dans un éventail plus étendu de catégories d’actif. Deuxièmement, ils peuvent investir dans des actifs de croissance tels que les infrastructures, l’immobilier commercial, les actifs forestiers et les actifs agricoles, qui procurent habituellement une rémunération à long terme. Ces catégories d’actifs, qui sont généralement désignées dans le secteur de la gestion d’actifs sous le nom d’actifs privés, d’actifs réels ou de placements alternatifs, représentent ce qu’on appelle des actifs « plus » dans le cas des portefeuilles d’IGP parce qu’ils peuvent, estime-t-on, offrir des avantages supplémentaires du point de vue de l’appariement des passifs, ce qui rehausse la diversification d’un portefeuille multiactifs et peut donner lieu à une prime de liquidité. Selon nous, l’ajout d’actifs « plus » dans un portefeuille peut contribuer à compenser un déficit au fil du temps et à réduire la volatilité du passif d’un régime. L’IGP consiste pour l’essentiel à orienter le portefeuille de titres à revenu fixe et le portefeuille de croissance vers le passif du régime, ce dernier faisant office de baromètre pour ces actifs.
Mise à l’épreuve de notre théorie
Afin de nous aider à démontrer les avantages d’une approche d’IGP en plusieurs volets pour la gestion de régimes de retraite et afin d’évaluer la mesure dans laquelle l’IGP peut faire croître la probabilité d’honorer intégralement et ponctuellement tous les versements de rente prévus, nous avons confié à Andrew Clare, professeur à la Bayes Business School1, la construction d’un modèle fondé sur les recherches universitaires les plus récentes. Les résultats de ce modèle constituent le fondement du présent rapport2.
Voici les constatations de cette recherche :
- Une stratégie de concordance des durées par taux clés produit de meilleurs résultats du point de vue de la gestion des risques que les placements dans un portefeuille d’obligations traditionnel.
- Une stratégie de placement qui dépend trop du rendement des marchés boursiers, toutes choses étant par ailleurs égales, présente une forte probabilité d’échec.
- L’ajout d’actifs « plus » dans un portefeuille de croissance nécessite sans doute une approche plus dynamique, que permet un simple rééquilibrage annuel.
- Une approche dynamique de la répartition de l’actif, qui allie une stratégie de concordance des durées par taux clés et une répartition en actifs « plus », peut faire croître la probabilité d’atteindre un large éventail d’objectifs de capitalisation.
Notre régime de retraite modèle
Pour démontrer comment l’adoption d’une approche d’IGP pour la gestion de l’actif d’un régime de retraite peut contribuer à réduire les risques auxquels un régime type est exposé, nous avons conçu un modèle. Nous soumettrons ce régime de retraite modèle à des simulations pour évaluer l’incidence de différentes stratégies sur sa santé financière.3
Notre régime de retraite honore les engagements indiqués à la figure 1.
Figure 1 : Le profil du passif du régime représentatif