Épisode 6 : Que signifie vivre une vie longue et saine?
01 mars 2023 | 27 minutes
Joignez-vous à l’animateur Brent Bishop qui s’entretient avec le professeur S. Jay Olshansky, spécialiste de la longévité à Chicago (Illinois). Ils discuteront de ce que signifie une vie longue et saine.
Remarque : tous les balados ont été enregistrés en anglais seulement.
Transcription de l’épisode
Présentateur :
Vous écoutez la série de balados Au-delà de l’âge.
Brent :
Bonjour et bienvenue au balado Au-delà de l’âge, une série exclusive de Manuvie dans laquelle nous avons l’occasion de discuter avec des experts pour faire la lumière sur la santé globale et le vieillissement. L’idée : vous aider à vivre plus longtemps et en meilleure santé, quel que soit votre âge. Je suis votre animateur, Brent Bishop, et, aujourd’hui, je suis en compagnie du professeur Stuart Jay Olshansky, de Chicago, en Illinois. Il est professeur à l’École de santé publique de l’Université de l’Illinois à Chicago et scientifique en chef à Lapetus Solutions, Inc. Aujourd’hui, nous allons parler de longévité et de ce que vivre longtemps et en bonne santé signifie. Bonjour, Jay.
Professeur S. Jay Olshansky :
Merci de m’avoir invité.
Brent :
Je suis heureux de vous compter parmi nous. Le sujet dont nous allons parler aujourd’hui m’intéresse au plus haut point. Avec les années, j’en suis venu à la conclusion que ce qui importait n’était pas de vivre longtemps, mais de vieillir bien et en santé. Je suis sûr que cette idée reviendra dans ce que vous nous direz aujourd’hui. Mais pour commencer, parlez-nous un peu de vous, Jay, et de ce qui vous a amené à vous intéresser à ce sujet.
Professeur S. Jay Olshansky :
Eh bien, j’enseigne la santé publique à l’Université de l’Illinois à Chicago. Je me spécialise dans le vieillissement et la longévité. J’essaie de déterminer notre espérance de vie. Pour résumer, quand j’étais un étudiant de cycle supérieur à l’Université de Chicago, j’ai suivi un cours donné par Bernice Neugarten, une célèbre spécialiste du développement humain. Elle m’a mis au défi de découvrir quels seraient les effets sur la population si nous trouvions un jour le moyen de ralentir le vieillissement. J’ai accepté le défi, et je n’ai pas quitté la bibliothèque de l’université pendant trois ans, me passionnant bientôt pour cette question de la longévité. C’est depuis cette époque que j’écris sur le sujet. La conclusion de ces premières recherches indique qu’il y a une limite au nombre d’années que notre corps peut fonctionner. De nos jours, de nombreuses études dans le domaine du vieillissement ont pour objectif de déterminer dans quelle mesure nous pouvons agir sur notre espérance de vie et d’évaluer les conséquences possibles de nos réussites et de nos échecs sur le plan médical.
Brent :
J’ai hâte d’en apprendre plus! Pourriez-vous nous présenter certaines des dernières percées scientifiques qui apportent un éclairage sur l’espérance de vie et le vieillissement en bonne santé?
Professeur S. Jay Olshansky :
Eh bien, par exemple, voilà 100 ans, l’espérance de vie dans la plupart des pays développés d’aujourd’hui était d’environ 50 ans. Ce qui explique cette faible espérance de vie est le haut taux de mortalité infantile, postinfantile et maternelle. À l’époque, les maladies infectieuses et d’autres problèmes de santé emportaient les gens à un très jeune âge. C’est ce qui faisait baisser l’âge moyen. Malgré tout, même en reculant de plusieurs siècles, nous trouvons des gens qui ont vécu dans les 70, 80 et 90 ans. Il y a même des données qui indiquent que certains pharaons ont vécu 90, voire 100 ans ou plus. Donc, il y a toujours eu des personnes âgées, mais pas autant qu’aujourd’hui. Au cours des 100 dernières années, la mortalité précoce a été réduite considérablement, ce qui a allongé notre espérance de vie de 30 ans. Mais vous savez, c’est une sorte de pacte avec le diable : cette augmentation de l’espérance de vie s’accompagne de maladies cardiovasculaires, de cancers, d’accidents vasculaires cérébraux, de la maladie d’Alzheimer, de déficiences sensorielles et de problèmes aux yeux et aux oreilles.
Ces conséquences étaient parfaitement prévisibles, mais nous les avons acceptées. C’est la rançon du succès. Le problème, c’est que nos corps fonctionnent au-delà de ce que j’appelle leur « période de garantie biologique ». Autrement dit, nous ne sommes pas responsables de la plupart de nos problèmes de santé en vieillissant. Nous n’aurions pas ces problèmes si nos corps ne fonctionnaient pas au-delà de leur période de garantie biologique. Notre espérance de vie a augmenté au cours du dernier siècle; en contrepartie, nous sommes aux prises avec des maladies et des troubles d’un nouveau genre. Alors, que devons-nous faire maintenant? L’approche médicale moderne consiste à s’attaquer à une seule maladie à la fois, comme si ces maladies étaient indépendantes les unes des autres. Cependant, la question reste la même : quelles sont les conséquences de nos réussites et de nos échecs dans le domaine médical? Par exemple, que se passera-t-il si nous arrivons à guérir le cancer? Eh bien, nous continuerions d’avoir une espérance de vie d’environ trois ans et demi de plus. C’est bien, mais en contrepartie, les risques de maladie cardiovasculaire, d’accidents vasculaires cérébraux et de maladie d’Alzheimer augmenteraient. En gros, la quête de la longévité nous convie à une lutte sans fin. C’est l’une des raisons pour lesquelles mes collègues et moi-même croyons désormais justifié de changer le paradigme sur lequel repose la santé publique.
Brent :
Ce concept de « garantie biologique » est vraiment intéressant. Comment fait-on pour souscrire une garantie plus longue?
Professeur S. Jay Olshansky :
Votre espérance de vie est codée dans les gènes que vous lèguent vos parents. C’est très facile de l’abréger et très difficile de la prolonger. En fait, nous l’abrégeons continuellement : nous adoptons des modes de vie malsains, nous ne voulons pas nous modérer, nous fumons, nous devenons obèses. Bref, nous avons un talent fou pour raccourcir notre espérance de vie. Or, même en éliminant nos mauvaises habitudes, nous finirions par nous heurter à un mur, parce que la période de garantie reste toujours en vigueur. Il est impossible de transformer la carrosserie d’une Yugo en une carrosserie de Mercedes, mais le contraire est très facile à faire! <rires>
Brent :
C’est une très bonne analogie. C’est aussi une très bonne façon d’enchaîner avec un autre aspect de la question. Il y a dans le monde ce qu’on appelle des « zones bleues », où les concentrations de centenaires sont les plus importantes, par exemple Loma Linda en Californie, Okinawa au Japon, et la Sardaigne en Italie. Les habitants de ces zones bleues vivent plus longtemps, bien sûr, mais, surtout, ils vivent plus longtemps en santé. Et c’est ce que tout le monde recherche. Selon vous, quelle est la clé d’une longévité exceptionnelle?
Professeur S. Jay Olshansky :
Tout d’abord, il faut avoir des parents qui ont vécu longtemps.
Tout commence par la génétique. Ce n’est pas à 90 ou à 100 ans que nous pouvons acquérir la capacité à devenir nonagénaires ou centenaires, c’est à la naissance et à la condition de gagner la loterie génétique.
Brent :
Est-ce que c’est aussi ce qui explique pourquoi il y a des gens qui vivent en santé jusqu’à 90 ou 100 ans même s’ils ont fumé toute leur vie? Est-ce aussi une question de génétique?
Professeur S. Jay Olshansky :
Oui. Il y a une grande diversité génétique au sein de la population. Ainsi, pour certaines personnes, le tabac n’est pas un facteur de risque. La personne qui a vécu le plus longtemps dans l’histoire de l’humanité est Jeanne Calment. Elle a vécu dans le sud de la France pendant 122 ans et demi. Elle est décédée en 1997 et elle a fumé pendant tout un siècle. Ce que ça nous apprend, c’est que le tabagisme n’était pas un facteur de risque pour elle. Pour la plupart d’entre nous, le tabagisme réduit notre espérance de vie. Or ce n’est pas le cas pour certaines personnes. C’est la même chose pour l’obésité. Certains septuagénaires, octogénaires et nonagénaires sont en surpoids, mais ils ne s’en portent pas plus mal. Or, le surpoids raccourcit l’espérance de vie de la plupart des gens. Et c’est impossible de savoir ce qui est un facteur de risque pour nous.
Brent :
Je comprends. C’est comme une loterie.
Professeur S. Jay Olshansky :
Exact. C’est une loterie. Il existe maintenant des tests génétiques qui peuvent nous donner une idée de notre position sur la courbe de l’espérance de vie. Je crois qu’il est préférable de tenir pour acquis qu’on n’appartient pas au groupe des centenaires et des supercentenaires, et d’adopter un mode de vie sain qui nous convient.
Brent :
Exact. Ça ne fait pas de mal d’adopter un mode de vie sain.
Professeur S. Jay Olshansky :
De prime abord, vous avez raison. Adopter un mode de vie sain ne fait pas de mal, mais il faut quand même tenir compte du fait que toute médaille a son revers. Quand nous prolongeons l’espérance de vie qui est inscrite dans nos gènes, nous entrons dans ce que j’appelle la « zone rouge ». Plus nous nous y avançons, plus nous devenons vulnérables et plus les risques d’invalidité augmentent. Pour revenir à ce que nous disions, il ne fait aucun doute qu’un mode de vie sain améliore notre santé et notre qualité de vie à la cinquantaine et au-delà. Je recommande également à mes étudiants et à mes enfants d’adopter un mode de vie sain, d’éviter de fumer et d’éviter l’obésité. Les jeunes qui adoptent de mauvaises habitudes en paient le prix plus tard. Donc, pour maximiser nos chances de vieillir en santé, nous devons adopter de préférence un mode de vie sain, quitte à en subir certaines conséquences.
En d’autres termes, un mode de vie sain permet de vivre plus longtemps, mais augmente les risques de contracter la maladie d’Alzheimer ou d’autres problèmes de santé liés au dépassement de notre période de garantie biologique. C’est précisément pour cette raison que les spécialistes de la science du vieillissement et de la biologie du vieillissement, dont je fais partie, recommandent de tenir compte du revers de la médaille. Nous devons changer la donne. Pour nous, l’enjeu consiste donc à intervenir dans le vieillissement lui-même de façon à ce que les personnes qui adoptent un mode de vie sain conservent toute leur vigueur sur une plus longue période et qu’ils ne vivent ces problèmes qu’à la toute fin de leur vie. Répondre à cet enjeu nous permettra de changer la donne. Je suis très optimiste quant à l’avenir.
Brent :
Je n’avais jamais pensé à notre espérance de vie en ces termes, c’est-à-dire qu’un mode de vie sain peut nous aider à vivre plus longtemps, mais que ce n’est pas sans inconvénient. Ainsi, notre mode de vie à 30 ans peut avoir des répercussions sur notre santé à 80 ans.
Professeur S. Jay Olshansky :
Notre mode de vie à 30 ans compte, mais aussi notre mode de vie à l’adolescence. C’est à l’adolescence et dans la vingtaine que nous commençons à fumer. Et c’est encore à cet âge que nous nous exposons au soleil de manière excessive. Alors, les décisions que nous prenons à l’adolescence, dans la vingtaine et dans la trentaine peuvent avoir un effet sur notre santé plus tard. Ce sont les décisions que nous prenons durant notre jeunesse qui ont le plus grand effet sur notre santé et notre qualité de vie à la cinquantaine et au-delà. Qu’est-ce que nous apprenons à faire aujourd’hui? Nous apprenons à faire fonctionner notre corps plus longtemps, plus efficacement. Les soins dentaires sont un bon exemple. Nous pouvons garder nos dents une centaine d’années à la condition de passer la soie dentaire et d’en prendre soin. C’est la même chose pour les lubrifiants et les filtres pour les voitures. Ils permettent de faire fonctionner les véhicules plus longtemps. Il n’en va pas autrement du vieillissement et de l’espérance de vie chez les êtres humains. Tout est une question de modération. En étant modérés, nous sommes portés à adopter un mode de vie sain et raisonnable tôt et ainsi à prendre soin du véhicule de chair qui est le nôtre. Vous voyez? Changer le lubrifiant et l’huile de son véhicule, c’est comme aller voir un médecin ou un dentiste dès que possible quand quelque chose ne va pas. Plus un problème est détecté rapidement, plus grandes sont les chances de le résoudre.
Brent :
Wow. Si seulement nous traitions nos corps avec autant de soin que nous traitons nos véhicules! Cela m’amène à vous poser une question. C’est une question qui pourrait vous sembler un peu trop vaste, mais je crois que beaucoup d’auditeurs aimeraient connaître la réponse. J’espère que vous pourrez nous éclairer. Quel est l’âge idéal? Y a-t-il seulement un âge qui soit idéal?
Professeur S. Jay Olshansky :
Tout dépend de vos objectifs. Si vous êtes un gymnaste et que vous souhaitez exceller en gymnastique, alors votre âge idéal se situe probablement entre la fin de l’adolescence et le début de la vingtaine. Si vous êtes un coureur, cette période peut être un peu plus longue. Mais alors, quel est l’âge idéal pour la plupart des gens? Je connais la réponse, mais avant de vous la donner, j’aimerais que vous la deviniez. Au fait, quel âge avez-vous?
Brent :
J’ai 48 ans.
Professeur S. Jay Olshansky :
Bon. Alors, selon vous, quel est l’âge idéal?
Brent :
Je fais beaucoup d’activité physique. Alors, si je me fie à ma propre vie et à mon état de santé actuel sur le plan physique, je dirais que j’ai atteint mon âge idéal vers la fin de la vingtaine, autour de 28 ans.
Professeur S. Jay Olshansky :
Pourquoi 28 ans?
Brent :
Tout d’abord, c’est vers cet âge et même vers le début de la trentaine qu’il me semble avoir atteint ma force et ma rapidité maximales. Aussi, vers la fin de la vingtaine, j’avais acquis une certaine expérience de la vie : je me connaissais mieux et je savais ce que je voulais. C’est vers cet âge que ce qui avait été important jusqu’à ce moment a cessé de l’être et que j’ai commencé à accorder la priorité à ce qui compte vraiment.
Professeur S. Jay Olshansky :
Bien. Les jeunes répondent souvent que l’âge idéal survient tôt dans la vie. Par exemple, mes étudiants sont tous dans la vingtaine et ne veulent pas penser au fait qu’ils deviendront vieux. Juste pour vous donner une idée, pour eux, on commence à être vieux à 30 ans. Ils n’ont donc aucune idée de ce que peuvent apporter la trentaine, la quarantaine, la cinquantaine, la soixantaine, etc. Selon eux, vieillir signifie perte, déclin et dégénérescence; bref, que des choses négatives. Ils ignorent que vieillir présente de merveilleux avantages, dont certains que vous avez déjà mentionnés : une plus grande expérience, des connaissances plus étendues, une sécurité matérielle et mentale plus grande, une meilleure connaissance de soi, une meilleure estime de soi. Donc, pour répondre à votre question, vous n’êtes pas loin de l’âge idéal, qui est de 50 ans environ. Pourquoi cet âge? Comme vous le savez, à cet âge, nous avons une carrière bien établie. Habituellement, nous avons beaucoup plus d’argent à cet âge que dans notre jeunesse. Nous savons qui nous sommes et nous sommes bien dans notre peau. Il est bon de savoir que la plupart des gens répondent que l’âge idéal est de 50 ans. Cette réponse est généralement motivée par le bonheur que les gens éprouvent ou éprouvaient à cet âge. L’âge idéal est donc de plus ou moins 50 ans selon les personnes.
Brent :
Cet âge constitue vraiment une étape marquante. Je ne m’en serais jamais douté. Et je suis sûr de ne pas être le seul dans ce cas. En tout cas, ce que vous dites a beaucoup de sens : à cet âge, les gens sont plus heureux, ont une situation bien établie et savent mieux profiter de ce que la vie leur apporte. C’est bien ça?
Professeur S. Jay Olshansky :
Oui. Je dirais que tout dépend de ce qui compte pour nous. Certaines personnes peuvent se concentrer sur leur forme physique, par exemple en voulant courir aussi vite que lorsqu’ils étaient plus jeunes. Leur but est de conserver la forme pour courir aussi vite jusqu’à un âge avancé. Je me rappelle une entrevue avec Jane Fonda que j’ai vue récemment. Jane Fonda doit être septuagénaire ou octogénaire.
On lui a demandé son âge actuel, et elle a répondu qu’elle avait un âge qu’elle aimait. Elle a 70 ou 80 ans, mais son âge n’a pas vraiment d’importance pour elle. Sur le plan biologique, elle est probablement plus jeune. Elle profite pleinement de la vie encore à son âge. Les gens qui, comme elle, ont autour de 70 ou de 80 ans peuvent très bien trouver que leur âge est l’âge idéal. En cette période de leur vie, ils ne s’en font plus vraiment pour le futur éloigné ou la façon dont ils vont finir leur vie. Ils savent profiter du moment présent. En fin de compte, tout tourne autour de ça. Profiter de l’instant présent, c’est ce qu’on peut faire à 60, à 70, à 80 et même à 90 ans, à la condition d’avoir une bonne santé physique et mentale. C’est un phénomène de plus en plus fréquent. Environ 15 % des Américains sont ce qu’on appelle des « superaînés ». Ce sont des personnes de plus de 80 ans dont les facultés cognitives et, souvent, les fonctions motrices, sont intactes. Quand nous parlons à ces superaînés, nous nous rendons compte assez vite qu’il n’y a aucune raison pour laquelle ils ne pourraient pas être présidents des États-Unis ou PDG d’une entreprise. Malgré leur âge avancé, rien ne leur est impossible.
Brent :
C’est quelque chose que les gens seront très heureux d’apprendre, j’imagine. En tout cas, moi, ça me rassure. J’espère devenir l’un de ces superaînés.
Professeur S. Jay Olshansky :
Et je vous le souhaite! Mais pour le savoir, il faudrait examiner vos antécédents familiaux sur le plan de l’espérance de vie, votre bagage génétique et votre mode de vie. Ensuite, il faudrait déterminer ce que vous devez faire pour maximiser votre potentiel génétique.
Brent :
Nous allons faire une petite pause et vous retrouverons tout de suite après ce message.
Présentateur :
L’émission vous plaît jusqu’à présent? N’oubliez pas de consulter notre site Web, Manuvie.ca/vivre-en-meilleure-sante, pour obtenir d’autres conseils, vidéos et contenus de Manuvie qui peuvent vous aider à vivre plus longtemps en santé, quel que soit votre âge.
Brent :
Nous sommes de retour à Au-delà de l’âge. J’ai entendu parler dernièrement d’un certain « pari à un milliard ». Ce pari, dont vous êtes l’un des parieurs, porte sur la longévité et le vieillissement. Pouvez-nous nous en dire davantage?
Professeur S. Jay Olshansky :
Bien sûr. En 2000, certains de mes collègues et moi-même avons été interviewés par le magazine Scientific American à propos du vieillissement. À un certain point de l’interview, l’un de mes collègues a dit croire que la première personne à atteindre 150 ans devait être née. Je lui ai téléphoné et je lui ai demandé s’il était sérieux. Vous savez, la personne qui a vécu le plus longtemps a atteint 122 ans. Or, il y a des années-lumière entre 122 et 150 ans! Il n’y a aucune commune mesure entre ces deux âges. Alors, je lui ai demandé s’il était prêt à parier qu’il y avait une personne en l’an 2000 qui serait encore vivante en l’an 2150. Bien sûr, j’ai parié contre et il a parié pour. Nous avons donc versé chacun 150 $ dans un compte. Nous avons doublé la mise quelques années plus tard. Comme les médias en ont eu vent, ce pari est devenu l’un des plus célèbres de la science. En fait, le pari a mené à la création de Long Bets, un site Web où sont répertoriés les paris lancés par des scientifiques et autres concernant des événements futurs. Et la raison pour laquelle nous avons appelé notre pari le « pari à un milliard » est que j’ai su investir mon argent avec sagesse. <rires> Si une personne née en 2000 est toujours vivante en 2150, alors les descendants de mon collègue Steven Austad empocheront l’argent. Mais si, en 2150, il n’y a personne qui soit né en 2000 ou avant, alors mes descendants obtiendront entre un milliard et un milliard et demi de dollars.
Brent :
C’était donc ça! Il reste encore beaucoup de temps à attendre. J’ai une autre question pour vous. Une partie de vos recherches porte sur les effets des politiques publiques et sanitaires sur le vieillissement et divers aspects sociaux. Pouvez-vous nous faire part de vos observations sur le rôle que joue la société dans l’espérance de vie?
Professeur S. Jay Olshansky :
Tout dépend du pays. Dans certains pays, les personnes âgées sont tenues en haute estime. Par exemple, au Japon et dans d’autres régions d’Asie, les gens se tournent vers les personnes âgées pour leur sagesse et leur expérience. Au contraire, nous avons tendance, dans nos sociétés, à mettre de côté les personnes âgées, à les marginaliser, à leur faire comprendre qu’ils ont fait leur temps et qu’ils doivent céder la place à la génération suivante. Quelle horrible tendance! Les personnes qui vivent jusqu’à un âge avancé constituent l’une des ressources les plus précieuses de l’ère moderne. Je ne parle pas que des personnes riches et instruites; je parle aussi des personnes de toutes les couches de la société, peu importe leur profession. Qu’elles transmettent leurs connaissances, qu’elles servent de guides aux nouvelles générations, qu’elles continuent à exécuter leur travail ou à faire ce qu’elles font, c’est avantageux pour la société. Quand nous commençons à mettre des gens de côté seulement en raison de leur âge chronologique, nous nous tirons dans le pied. Une de mes collègues a coutume de dire que les personnes âgées sont, de nos jours, notre seule ressource naturelle en croissance.
Brent :
C’est bien dit!
Professeur S. Jay Olshansky :
N’est-ce pas? Nous épuisons toutes nos autres ressources, mais nous ne mettons pas à contribution celle que constituent nos aînés. Pourtant, si nous les considérions comme une richesse et que nous utilisions cette richesse à notre avantage et à leur avantage, tout le monde y gagnerait. La façon dont la société traite les personnes âgées devrait être considérée comme essentielle à la santé et à la richesse d’une nation. La société devrait trouver un moyen de soutenir ces générations plus âgées.
Brent :
Wow, c’est un excellent point de vue. Vous avez raison. En Amérique du Nord, nous n’adoptons pas ce point de vue avec autant de force que d’autres pays, notamment le Japon, comme vous l’avez mentionné.
Quels sont les effets des interactions individuelles et de la santé mentale sur la longévité?
Professeur S. Jay Olshansky :
Nous savons que l’isolement social raccourcit l’espérance de vie. Les gens qui participent au monde ont beaucoup d’amis, beaucoup d’interactions sociales. Et je ne parle pas d’amis ou d’interactions en ligne! <rires> Ce que je veux dire, c’est que les gens qui passent du temps avec leurs amis ou leurs voisins et qui participent à des activités sociales tendent à vieillir plus longtemps en santé. Par exemple, nous avons remarqué que les hommes âgés qui viennent de perdre leur conjointe présentent un risque de mortalité très élevé. Cette augmentation vertigineuse du risque est attribuable au fait de perdre une personne qui veille sur nous, qui s’assure que nous nous nourrissions correctement, que nous allions chez le médecin. C’est la même chose pour les interactions sociales, ces interactions individuelles que nous avons avec des amis et des proches. C’est grâce à ces personnes que nous conservons un mode de vie sain plus longtemps.
Ces relations sont donc essentielles. Maintenant, sur le plan de la santé mentale, le bon fonctionnement des facultés cognitives est un facteur essentiel pour certaines personnes pour atteindre un âge avancé en bonne santé. Nous nous faisons poser beaucoup de questions sur le stress. Vous avez remarqué que les dirigeants politiques nouvellement en poste semblaient vieillir en accéléré? Leur peau se ride, et leurs cheveux tombent, blanchissent ou grisonnent. Dans un article que j’ai publié en 2011 et qui portait sur le vieillissement associé au stress, j’en venais à la conclusion que certaines personnes, les dirigeants politiques à tout le moins, vivaient bien avec le stress. Avoir la peau ridée, avoir des cheveux gris ou perdre des cheveux ne tue personne. Malgré tout, pour la plupart des gens, il est préférable d’éviter le stress autant que possible. Bien sûr, tout dépend de la façon de gérer le stress. Pour les personnes qui savent gérer efficacement le stress et qui ont acquis des mécanismes d’adaptation permettant de le gérer, le stress peut être bénéfique.
Le simple fait d’avoir adopté un mécanisme d’adaptation peut être bénéfique. Par contre, le stress peut être dommageable pour les personnes qui ne savent pas le gérer. C’est à ce moment que les problèmes de santé mentale deviennent préoccupants. Comme je l’ai dit, certaines personnes gèrent admirablement le stress. Ce sont principalement des personnes hautement fonctionnelles, comme des dirigeants politiques de tout acabit. La plupart des gens moins âgés seraient incapables de gérer le type d’horaire que doivent gérer ces superaînés. Et pourtant, nous aimerions tous en être capables! <rires> Donc, oui, je pense que les facultés mentales et cognitives jouent un rôle important dans la qualité de vie et que le stress joue aussi un rôle à cet égard. Il n’y a pas de doute qu’avoir ces interactions sociales est important. Et il n’y a là rien de nouveau : nous étions déjà arrivés à cette conclusion voilà plusieurs décennies, dans les années 1970, lorsque, dans le cadre d’études sur la longévité et la santé, nous comparions des personnes qui n’avaient pas d’amis ou de relations significatives avec des personnes qui en avaient. La même opposition existait entre les personnes divorcées ou séparées et les personnes mariées ou en couple. Les personnes mariées ou en couple s’en tirent beaucoup mieux que les autres. Ce fait à lui seul en dit long sur l’importance d’avoir au moins une personne dans sa vie. C’est essentiel.
Brent :
Wow. Ça a beaucoup de sens! Je sais que vous avez écrit un certain nombre de livres sur le vieillissement, notamment The Quest for Immortality: Science at the Frontiers of Aging et Aging: The Longevity Dividend. Pouvez-vous nous expliquer ce qui vous a amené à écrire ces livres? Qu’avez-vous appris sur la longévité durant leur rédaction?
Professeur S. Jay Olshansky :
Eh bien, le premier, The Quest for Immortality, a été publié en 2001. La principale raison pour laquelle mon collègue Bruce Carnes et moi l’avons écrit, c’est parce que nous étions choqués que des vendeurs de produits anti-âge en tous genres abreuvaient les consommateurs d’une quantité phénoménale de faits erronés. Ils essayaient entre autres de les convaincre que, grâce à leurs produits, ils pourraient vivre 100, 150, 200, voire 500 ans! C’était d’une absurdité complète. C’est pourquoi le premier chapitre du livre est consacré à l’histoire de cette absurdité qu’est la médecine anti-âge. Depuis des milliers d’années, des charlatans cherchent à nous vendre leurs élixirs bidons en se servant d’allégations fausses ou exagérées. Et rien n’a changé depuis. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons écrit ce livre; nous voulions rétablir les faits sur ce que la science savait ou ignorait et sur ce qui lui était possible ou impossible de faire.
Les producteurs de l’émission d’Oprah ont communiqué avec nous. Ils croyaient que notre livre renfermait une recette anti-âge ou quelque chose du genre qui nous permettrait d’être immortels ou de vivre très longtemps. Quand ils ont finalement lu le livre, ils se sont rendu compte que nous ne proposions pas d’élixir de longue vie, que nous soutenions au contraire que notre corps n’était pas conçu pour fonctionner éternellement, qu’il y avait une limite au temps que nous pouvions utiliser notre corps et que ce qui comptait n’était pas d’accroître le nombre des années, mais de vivre en meilleure santé. Je crois qu’ils ont été déçus par notre propos.
Brent :
Oui, je peux l’imaginer. Les gens préfèrent les solutions rapides. Comme on le sait, dans chaque domaine, y compris le mien, il y a des mythes qui ont la vie dure. Dans le domaine de la longévité, quels sont les mythes qui sont sans fondement? Y en a-t-il qui ont un fond de réalité?
Professeur S. Jay Olshansky :
C’est une bonne question. Parmi les mythes les plus intéressants sur la longévité, la plupart datent de quelques centaines d’années. Il y avait des gens qui essayaient de convaincre les rois et les plus fortunés qu’il était possible de vivre et d’être en santé sur une période exceptionnellement longue. Certaines de leurs théories étaient plutôt intéressantes. Selon l’une d’entre elles, la vigueur de la jeunesse se communiquait par le souffle, c’est-à-dire par l’air inspiré et l’air expiré. C’était le cas, par exemple, d’une personne âgée qui passait du temps en compagnie de personnes plus jeunes et qui inhalait l’air qu’elles expiraient. Ce mythe a survécu jusqu’à aujourd’hui; et, encore de nos jours, des gens croient que c’est vrai. En 1980, on croyait que les hormones de croissance utilisées dans certains traitements substitutifs étaient un élixir de longue vie. Il circulait alors des légendes urbaines selon lesquelles il suffisait de s’injecter des hormones de croissance pour recouvrer toute la vigueur de la jeunesse.
Je pourrais continuer longtemps comme ça, tant il y a de légendes urbaines dans ce genre. Tantôt, vous avez mentionné les zones bleues, n’est-ce pas? Eh bien, à moins d’avoir un bagage génétique semblable à celui des natifs d’Okinawa, de la Sardaigne ou d’une autre de ces zones, d’où nous ne sommes pas originaires, vous et moi ne vivrions probablement pas aussi longtemps qu’eux si nous y déménagions. C’est que la génétique joue un rôle majeur dans la longévité. Fait intéressant, certaines études ont démontré que, lorsque les gens de ces zones déménagent aux États-Unis, par exemple, leur risque de mortalité s’élève au même niveau que celui des habitants du pays hôte. En d’autres termes, leur espérance de vie diminue et leur risque de mortalité augmente parce qu’ils ont déménagé aux États-Unis, où les modes de vie malsains sont plus répandus. Alors, est-ce que vous et moi pourrions vivre plus longtemps en vivant en Sardaigne ou à Okinawa? Si nous adoptions le mode de vie associé à ces zones, alors oui, mais pas de beaucoup, et ce, en raison de notre héritage génétique. Tout commence par la génétique. Il faut comprendre que, dès la naissance, notre espérance de vie est déterminée par notre code génétique. Mais vous savez, ce n’est pas vraiment la durée de la vie qui intéresse particulièrement la science; c’est plutôt la qualité de vie.
Brent :
Wow. Jay, nous approchons de la fin de cet entretien. Nous pourrions parler pendant des heures de ce sujet. C’est un sujet intéressant, fascinant. Bref, ne serait-il pas temps de rappeler à notre auditoire un ou deux points à retenir de la discussion d’aujourd’hui? Par exemple, pourriez-vous donner à nos auditeurs deux conseils qu’ils pourraient mettre en pratique pour améliorer leur longévité, quel que soit leur âge?
Professeur S. Jay Olshansky :
Eh bien, à notre époque, le seul équivalent à la fontaine de jouvence que nous connaissions est l’exercice. Il faut bien sûr l’associer à une bonne alimentation, puisque les deux sont étroitement liés. Les études sur l’alimentation et l’exercice nous ont fait comprendre, en quelque sorte, que pour faire durer nos corps plus longtemps, il fallait adopter un mode de vie sain le plus tôt possible, le maintenir le plus longtemps possible et éviter tout ce qui raccourcit la vie. Il ne fait aucun doute que nous pouvons améliorer notre qualité de vie, mais nous devons comprendre qu’il existe tout de même des limites. Alors, je voudrais vous laisser sur ces quelques mots. C’est vrai que l’exercice et l’alimentation peuvent améliorer votre qualité de vie de votre vivant. Mais ce qui va vraiment changer les choses en matière de santé publique, ce n’est pas la découverte de remèdes pour le cancer, les maladies cardiovasculaires ou les accidents vasculaires cérébraux.
C’est plutôt l’émergence d’un nouveau paradigme dans la santé publique, un paradigme dans lequel s’inscriront la science du vieillissement et la biologie du vieillissement. Je suis très optimiste à cet égard. Je crois que nous allons bientôt pouvoir agir sur les rouages biologiques qui déterminent le nombre d’années que nous pouvons vivre en santé à 80, à 90 ans ou au-delà. C’est ce que nous essayons d’accomplir pour le bien de la population en cherchant un moyen de ralentir le processus biologique du vieillissement. Est-ce que tout le monde en profitera? Pour être parfaitement réaliste, je vous répondrais que non : certaines personnes sont destinées à avoir des problèmes de santé dans la quarantaine, la cinquantaine et la soixantaine à cause de leur génétique, et d’autres prennent des décisions qui nuisent à leur santé. Si ça peut rassurer les auditeurs, je crois que nous pouvons briser le plafond de verre de la longévité et trouver le moyen de vivre en meilleure santé plus longtemps, et ce, non seulement en modifiant notre mode de vie, en nous alimentant correctement et en faisant de l’exercice, mais aussi en nous laissant guider par la science. Je suis convaincu que nous y parviendrons. Et quand nous aurons brisé ce plafond de verre, la société se transformera en profondeur.
Brent :
J’aime bien qu’une discussion se termine sur une note aussi positive, Jay! C’est incroyable tout ce que vous m’avez appris sur la longévité et le vieillissement. Et je sais qu’il en va de même pour nos auditeurs. Merci beaucoup d’avoir participé à cet épisode, Jay.
Professeur S. Jay Olshansky :
Merci de m’avoir invité. Ça a été un plaisir pour moi. Vous savez, nous allons peut-être reprendre cette discussion dans 20 ans.
Brent :
Ce serait avec plaisir.
Professeur S. Jay Olshansky :
Vous auriez alors l’âge que j’ai en ce moment.
Brent :
Exactement. Et bonne chance pour le pari!
Professeur S. Jay Olshansky :
Oui. Merci.
Brent :
Voilà qui conclut notre épisode! Merci d’avoir écouté un épisode du balado Au-delà de l’âge, une exclusivité de Manuvie. Ne manquez pas le prochain épisode, où nous nous entretiendrons avec Tasha Romanelli, fondatrice et propriétaire de Zen Den d’Erin, en Ontario, et avec Lucie Hager, travailleuse sociale et thérapeute agréée de Toronto, en Ontario. Nous allons discuter des nombreux avantages de la méditation et nous demander si elle peut être la clé pour se sentir jeune. N’oubliez pas de consulter notre site Web, Manuvie.ca/vivre-en-meilleure-sante, pour obtenir d’autres conseils, vidéos et contenus de Manuvie qui peuvent vous aider à vivre plus longtemps en santé, quel que soit votre âge.
Présentateur :
Les pensées et les opinions exprimées sont celles de l’animateur et de ses invités; elles ne représentent pas nécessairement celles de Manuvie.