Avril 2004. Je suis née de l’union d’un toxicomane de 32 ans et d’une femme de 25 ans qui essayait juste de remettre sa vie sur les rails. Mon père était le type d’homme que tout le monde connaissait et, malgré ses dépendances et ses mauvais choix, la plupart des gens l’aimaient. Ma mère était une femme intelligente et aimante qui était tombée dans de mauvaises fréquentations. Dès ma naissance, ma mère a pris sur elle de mettre de l’ordre dans sa vie. Mon père a dit qu’il le ferait aussi, mais ce fut trop difficile pour lui et il n’a pas réussi à surmonter ses dépendances. Malgré tout cela et malgré leurs désaccords, la seule chose que mes parents avaient en commun était leur amour pour moi.
C’est en février 2009 que ma mère, enceinte de neuf mois, a dû annoncer à sa fille de quatre ans en pleurs que son papa était parti pour toujours. Une crise cardiaque, des conditions antérieures combinées à un abus de substances. Déjà, nous n’avions pas beaucoup de revenus, et toute notre famille était plutôt pauvre des deux côtés. Même après que ma mère s’était remise en selle, ses problèmes de santé mentale ont fait qu’elle avait eu du mal à garder un emploi. Au moins, avant qu’il ne meure, mon père avait essayé de faire une petite contribution. Depuis son décès, nous recevions chaque mois un peu d’argent de ses prestations de survivant du Régime de pensions du Canada. Cela nous a certainement aidés un peu, mais si je continue à recevoir ces prestations à mon nom une fois que j’aurai 18 ans pour m’aider à payer mes études universitaires, je devrai payer des impôts chaque année, car je gagne plus que ma mère.
Enfant, je me suis toujours sentie poussée à aller à l’université. Pour avoir plus de « succès » que mes parents, mais je m’attendais toujours à ce que cela fasse sauter la banque. C’était mon inquiétude. Et pourtant, je ne veux rien d’autre qu’y aller, pour prouver que, malgré les difficultés émotionnelles, les complications familiales et les problèmes d’argent, je peux réussir à l’université. J’y pense souvent, je me dis que, si mon père avait souscrit une assurance vie, si nous avions reçu un peu plus d’argent, un peu plus d’aide, peut-être que mes rêves de poursuivre des études postsecondaires n’auraient pas été considérés comme si farfelus, irréalistes ou inatteignables. Peut-être qu’on ne se serait pas moqué de moi parce que j’étais pauvre en grandissant. Peut-être que je ne compterais pas uniquement sur des bourses et des prêts étudiants, anticipant une dette écrasante. Peut-être que ma mère n’aurait pas à me demander de lui prêter mon argent durement gagné pour l’aider à couvrir les frais d’épicerie pendant des vacances ou à payer des factures imprévues.
Bien que personne ne m’ait crue capable de le faire, que les gens aient scruté les choix de mes parents et la situation financière de ma famille et m’aient considérée comme irrécupérablement perdue, que j’aie pensé que je n’irais nulle part, j’ai persévéré et je me suis battue pour me rendre là où je suis. Je suis une étudiante affichant une moyenne de 96 %, qui a été admise dans un programme contingenté en psychologie légale à l’Université St. Francis Xavier et qui travaille comme gestionnaire du service à la clientèle pour Walmart, le tout à 17 ans. Malgré toutes les difficultés de la vie, j’ai travaillé pour obtenir mes succès et j’en suis fière.