Épisode 4: Les relations peuvent-elles favoriser ce sentiment de jeunesse?

1 Nov, 2023 |  31 mins  

Joignez-vous à notre animatrice, Jennifer Botterill, alors qui discute avec Kasley Killam, sociologue et experte en santé sociale de Vancouver, en Colombie-Britannique. Dans cet épisode, vous apprendrez comment le maintien de relations significatives peut avoir une incidence positive sur votre santé et votre bien-être à tout âge.

Remarque : tous les balados ont été enregistrés en anglais seulement.

Transcription de l’épisode

Présentateur :

Vous écoutez la série de balados Au-delà de l’âge.

Jennifer Botterill :

Bonjour et bienvenue à Au-delà de l’âge, un balado exclusif de Manuvie. Manuvie a à cœur le bien-être physique, mental et financier des Canadiennes et des Canadiens. Dans cette série de balados, nous discutons de santé globale et de vieillissement avec des experts du secteur, pour rester en bonne santé plus longtemps, quel que soit votre âge. Je suis Jennifer Botterill, et aujourd’hui, je m’entretiens avec Kasley Killam, sociologue et pionnière primée originaire de Vancouver (Colombie-Britannique), établie à Los Angeles (Californie). Nous allons voir si les relations peuvent favoriser ce sentiment de jeunesse. Bienvenue, Kasley.

Kasley Killam :

Merci beaucoup, Jennifer. C’est un plaisir d’être ici. J’ai hâte d’entamer cette conversation.

Jennifer Botterill :

Nous sommes ravis de pouvoir discuter avec vous. Je sais qu’à l’heure actuelle, beaucoup de gens mènent une vie et une carrière bien remplies et tentent de gérer leur vie sociale, de nouer et d’entretenir des relations. J’ai vraiment hâte de discuter avec vous des avantages pour la santé et, bien sûr, pour le processus de vieillissement. Peut-être pourriez-vous nous parler de vous et de ce qui vous a amenée à vous intéresser à ce domaine.

Kasley Killam :

Absolument. Depuis mon enfance, je suis fascinée par les relations humaines et la psychologie. Quand j’étais petite fille dans la cour de récréation, j’observais mes camarades jouer et interagir, et même à cet âge-là, je trouvais cela très intéressant. J’ai donc étudié la psychologie à l’Université Queens, et j’ai été absolument fascinée par la santé mentale et la façon dont notre bien-être est influencé par notre environnement et nos interactions. J’ai commencé à faire des recherches sur les liens sociaux et à m’intéresser à la manière dont nos relations influent sur notre santé et notre bien-être. J’ai commencé à faire des recherches à l’Université de Pennsylvanie, au Positive Psychology Center, ainsi qu’à Stanford, au Center for Compassion and Altruism Research and Education. Ces expériences ont eu une grande influence sur moi. Le fait que tous ces chercheurs étudient les rapports humains, l’empathie, la compassion et la bienveillance avec autant de détermination que n’importe quel autre scientifique m’a intriguée.

C’est ce qui m’a poussée à explorer la recherche, mais aussi à la mettre en pratique et à la faire connaître. Une grande partie de ma carrière a donc été consacrée à la rédaction d’articles et à la diffusion d’informations sur la manière d’utiliser les résultats de ces recherches au quotidien, ainsi qu’à la recherche de moyens de les mettre en pratique. Des applications ainsi que des programmes et des ressources ont été élaborés dans divers secteurs avec différents partenaires pour permettre l’application des résultats de la recherche au quotidien. Ça a été une longue exploration. Il y a environ cinq ans, je suis allée à la Harvard School of Public Health et j’ai étudié la solitude sous l’angle de la santé publique, ce qui a débouché sur une maîtrise sur ce sujet. Je dirige maintenant une organisation sans but lucratif appelée Social Health Labs, qui réalise de nombreux travaux dans ce domaine. Je travaille aussi sur un ouvrage qui paraîtra l’an prochain. Je suis très heureuse de vous en parler.

Jennifer Botterill :

Super. Il y a tant de projets remarquables. J’ai fait mes études de psychologie à l’Université Harvard et l’un de mes cours préférés était certainement la psychologie positive. J’ai hâte d’entendre vos réflexions. Vous êtes une experte de premier plan en matière de santé sociale, notamment à travers vos laboratoires de santé sociale. Pour commencer, pourriez-vous nous expliquer ce qu’est la santé sociale?

Kasley Killam :

Absolument. Ce terme n’est pas encore très connu du grand public, ce qui me pousse à le faire connaître à un plus grand nombre de personnes. En général, la santé est abordée sous deux angles. Nous mettons généralement l’accent sur la santé physique, à savoir notre corps, le renforcement de nos muscles et la résistance physique. Ensuite, on parle souvent de la santé mentale. Heureusement, ce sujet fait aujourd’hui l’objet d’une plus grande attention de la part du grand public. Nous nous intéressons à notre esprit, à nos émotions et à la manière dont nous pouvons renforcer notre résilience émotionnelle, qui sont des éléments fondamentaux de notre santé globale. Mais il manque un ingrédient qui provient de nos relations, et c’est ce que j’aime appeler notre santé sociale. La santé peut donc être non seulement physique et mentale, mais aussi sociale. Des données fascinantes montrent que des relations solides et significatives nous permettent de vivre plus longtemps, d’être en meilleure santé et d’être plus heureux durant ces années.

C’est pourquoi je pense qu’il est essentiel que ce sujet soit abordé pour sensibiliser les gens à l’importance des relations, au même titre que l’exercice physique et l’alimentation. Considérer qu’il s’agit là de santé sociale est peut-être une bonne façon d’y parvenir. Il faut aussi comprendre que la santé sociale se présente différemment pour chacun, tout comme votre santé physique et votre santé mentale peuvent se manifester différemment selon que vous êtes un athlète ou non. Vous feriez donc certaines choses pour prendre soin de votre santé physique que je ne ferais pas, j’en suis sûre. De la même manière, nous pouvons nourrir notre santé sociale de différentes façons. Ainsi, la santé sociale se définit comme la dimension de votre bien-être qui découle des relations et de la communauté.

Jennifer Botterill :

Je sais que de nombreuses études suggèrent que le risque de maladies liées au stress ou de maladies cardiovasculaires est plus faible chez les personnes qui vivent des relations saines à long terme. Pourriez-vous nous en dire plus?

Kasley Killam :

Oui, certainement. C’est vraiment intéressant. En 2016, une étude en particulier a fait l’objet d’une revue systématique, ce qui signifie que les chercheurs ont examiné toutes les études réalisées à ce jour et en ont résumé les résultats. Ils ont conclu que les personnes qui ont de faibles relations sociales voient leur risque de maladie cardiovasculaire augmenter de 29 % et leur risque d’accident vasculaire cérébral de 32 %. La conclusion que l’on peut tirer de cette étude est que des relations sociales solides constituent un mécanisme de protection. C’est un moyen de prévenir et de réduire le risque de maladie cardiovasculaire. Il s’agit d’une étude vraiment fascinante. De nombreuses recherches corroborent ces résultats et établissent également un lien avec la santé cardiovasculaire. C’est donc l’une des raisons pour lesquelles il est très important de veiller à renforcer nos relations sociales.

Jennifer Botterill :

Voilà quelques avantages très marqués liés aux relations positives. Les relations amoureuses ont-elles d’autres effets positifs sur notre santé et notre bien-être?

Kasley Killam :

C’est une excellente question. Absolument. Les personnes qui vivent des relations amoureuses saines en retirent plusieurs avantages. En plus de se sentir bien et de connaître l’amour, des recherches montrent que vivre heureux en couple contribue à une meilleure santé globale, à une plus grande satisfaction dans la vie, et à réduire le risque de mortalité. Les recherches montrent que le fait de vivre une relation amoureuse positive a des effets bénéfiques à long terme. Il y a plusieurs raisons à cela. Je pense qu’il est intéressant de réfléchir à ces raisons. Pourquoi le sentiment d’être en relation avec quelqu’un peut-il se répandre dans votre corps et vous aider à être plus résilient? L’une des explications les plus courantes est la notion de protection contre le stress. Lorsque le stress est présent dans notre vie quotidienne, notre corps en subit les conséquences. Il augmente le taux de cortisol et l’inflammation.

Et lorsque ce stress se prolonge sur une longue période, il peut avoir des effets négatifs sur notre santé globale. Le fait de se sentir soutenu et de ressentir un lien émotionnel nous protège contre ces effets et nous aide à être résilients à long terme. Les relations positives sont aussi très utiles, surtout dans les relations amoureuses, pour des raisons pratiques. Si vous avez un partenaire qui vous encourage à faire de l’exercice régulièrement ou qui vous prépare des repas nutritifs à l’heure du dîner, ou qui, en cas de diagnostic, vous aide à prendre vos médicaments ou vous conduit à vos rendez-vous chez le médecin, cette relation contribuera très concrètement à améliorer votre santé au fil du temps.

Jennifer Botterill :

En y réfléchissant, beaucoup de gens sont entourés d’autres personnes d’une manière ou d’une autre dans leur vie, et il y a de nombreux types de relations. Quant aux relations qui ne sont pas de nature romantique, comme la famille, les amis, les colocataires, les collègues ou une communauté de soutien, ont-elles aussi des effets bénéfiques sur la santé?

Kasley Killam :

Absolument. Absolument. Je pense qu’il existe de nombreuses sources de santé sociale. On peut renforcer ses relations sociales avec un grand nombre de personnes et de communautés. L’une d’entre elles est certainement la relation amoureuse, mais il y en a beaucoup d’autres, comme vous l’avez dit, nos amis, notre famille, nos collègues, nos voisins. Une distinction que j’aime faire est que la santé sociale provient de nos relations individuelles, c’est-à-dire de nos amis, de notre famille et ainsi de suite. Mais elle provient aussi d’un sens plus large de la communauté. Le sentiment d’appartenir à quelque chose de plus grand que soi. Ces relations ont des avantages et des bienfaits pour la santé, que ce soit sur le plan des maladies cardiovasculaires, mais aussi de la dépression, par exemple. Ainsi, les adultes qui déclarent se sentir seuls sont deux fois plus susceptibles de souffrir de dépression au fil du temps,

ou encore d’hypertension artérielle et de diabète. Je pense que la démence est un sujet très intéressant. Chez les personnes âgées en particulier, l’isolement ou la solitude chronique peut augmenter d’environ 50 % le risque de démence. Mon père est atteint de la maladie d’Alzheimer. Il est donc très important, à mesure que l’on vieillit, de veiller à entretenir ces relations sociales, qui constituent l’un des nombreux moyens de préserver sa santé et de faire preuve de prévention. L’une des conclusions les plus fascinantes est le lien avec la mortalité. Nos relations avec nos amis, notre famille et toutes les autres sources influencent donc notre longévité. Une étude en particulier a examiné les données de plus de 300 000 participants et a révélé une probabilité de survie accrue de 50 % pour les personnes qui avaient des relations sociales plus solides. Il s’agit donc d’un élément très important, non seulement pour vivre sainement, mais aussi pour vivre plus longtemps.

Jennifer Botterill :

Au vu des dernières années, quels sont, selon vous, les plus grands défis qui pèsent aujourd’hui sur notre santé sociale globale?

Kasley Killam :

C’est une très bonne question, et beaucoup de brillants experts tentent d’y répondre. Je voudrais qu’il n’y ait qu’une seule réponse, mais en réalité, plusieurs facteurs y contribuent. L’un d’eux est la présence de plusieurs tendances culturelles qui influencent les relations entre les personnes. De nos jours, il est beaucoup plus courant de vivre seul que de vivre avec sa famille ou ses amis. C’est nettement plus courant. Or, le fait d’être seul ne signifie pas nécessairement que l’on se sent seul ou sans relations, mais cela peut augmenter ce risque. Il en va de même pour les personnes qui déménagent plus souvent, qui sont de passage. À ce jour, j’ai vécu dans 12 villes et trois pays. Ma santé sociale s’en est ressentie à certains moments. Mais il y a aussi des facteurs comme l’appartenance à des clubs, donc à une communauté. J’ai mentionné qu’il ne s’agit pas seulement de relations individuelles, mais qu’être socialement sain, c’est aussi faire partie de communautés plus larges.

Et nous constatons que le taux de participation à des clubs, tels que les clubs de lecture ou les équipes sportives, dans un but récréatif, religieux ou autre, a diminué au fil du temps. Une fois encore, nous observons des tendances culturelles différentes qui influencent notre santé sociale. La plus importante, celle dont tout le monde veut parler, est celle des médias sociaux et de la technologie. Il ne fait aucun doute qu’ils jouent un rôle et qu’ils influencent notre santé sociale de manière complexe. Tout n’est pas mauvais, mais tout n’est pas bon non plus. Ce qui me préoccupe, après avoir lu beaucoup de ces documents, c’est qu’il est très facile d’utiliser les médias sociaux comme une béquille, comme un substitut plutôt qu’un complément aux relations humaines. Et les données révèlent invariablement que l’utilisation des médias sociaux de cette manière est néfaste pour la santé sociale.

Les gens se sentent plus seuls, plus déprimés. Et pourtant, il est très facile de prendre cette habitude parce que la technologie est conçue pour créer une certaine dépendance. C’est l’une des questions qui me préoccupe le plus. Je crois qu’il faut s’assurer que les concepteurs de ces différents outils les conçoivent en tenant compte de la santé sociale des gens. Nous devons aussi, en tant qu’utilisateurs, faire preuve de pleine conscience et de vigilance quant à la manière dont nous utilisons le Web. S’il est utilisé pour planifier des réunions ou pour rencontrer de nouvelles personnes et établir des relations avec elles, cet outil peut s’avérer très bénéfique. Il s’agit donc d’être conscient et attentif en ligne…

Jennifer Botterill :

Absolument, et de planifier notre temps aussi efficacement que possible pour nourrir notre santé et notre bien-être général. Et pour nos auditeurs qui se sentent peut-être coupés de leurs amis, de leurs partenaires ou de la société en général, quelles mesures pourriez-vous leur conseiller pour améliorer leur santé sociale?

Kasley Killam :

Excellente question! La première étape consiste à en faire une priorité. Choisissez de vous préoccuper de votre santé sociale, d’en tirer des bénéfices à long terme, et de vous y consacrer de manière intentionnelle. Vous pouvez l’envisager de la même manière que vous envisagez l’exercice physique, par exemple, lorsque vous faites travailler vos muscles. Que vous alliez à la salle d’entraînement, que vous fassiez de la course à pied, que vous soyez en bonne santé physiquement, ayez la même approche pour votre santé sociale et pensez à exercer vos « muscles sociaux ». Intégrez cette pratique dans vos habitudes pour prendre chaque jour un moment pour entrer en contact avec d’autres personnes. J’ajouterais que des actions simples peuvent avoir un effet très important. Le simple fait de tendre la main peut vous aider, vous et l’autre personne, à vous sentir réellement liés.

L’an dernier, une excellente étude a été publiée dans le « Journal of Personality and Social Psychology », où des chercheurs ont mené des expériences pour évaluer les effets de la communication. Ainsi, en envoyant un simple message texte pour dire « je pense à toi », ils ont été surpris de constater que les destinataires de ces messages les appréciaient bien plus qu’ils ne le pensaient. En fait, nous sous-estimons le pouvoir de nos relations avec les autres. Ces gestes comptent beaucoup pour les autres, mais ils ont aussi des effets bénéfiques pour nous. Il suffit de faire preuve de gentillesse, de dire bonjour à ses voisins, d’aider les gens, d’exprimer sa gratitude. Il y a beaucoup de recherches étonnantes sur les bienfaits du simple fait de dire merci et de dire à quelqu’un ce que l’on apprécie chez lui. Toutes ces petites actions, qui peuvent sembler simples ou insignifiantes, ont en fait des effets très importants et significatifs.

Jennifer Botterill :

Absolument. On va faire une petite pause et on vous retrouvera tout de suite après ce message.

Présentateur :

L’émission vous plaît jusqu’à présent? N’oubliez pas de consulter notre site Web, manuvie.ca/vivre-en-meilleure-sante, pour obtenir d’autres conseils, vidéos et contenus de Manuvie qui peuvent vous aider à vivre plus longtemps en santé, quel que soit votre âge.

Jennifer Botterill :

Nous voici de retour à Au-delà de l’âge. Kasley, vous avez mentionné à quelques reprises le fait d’être conscient, et j’ai une question à vous poser. Chaque personne est unique, vous l’avez dit d’emblée. Est-ce qu’il y a un équilibre en ce qui concerne le temps à consacrer à la vie sociale? Certains peuvent être plus introvertis, d’autres plus extravertis, et avoir besoin de plus de temps de socialisation. Comment chaque personne peut-elle déterminer le temps de vie sociale qui lui convient en termes d’engagement et de liens significatifs? I

Kasley Killam :

J’adore cette question. Étant introvertie, je me reconnais tout à fait dans cette question. Il s’agit donc bien de préférences individuelles. En tant qu’introvertie, je n’ai pas besoin d’autant d’interactions qu’une personne extravertie. Mais pour moi, il est très important d’avoir des relations de qualité lorsque j’en ai besoin. Passer du temps de qualité avec des amis proches, des membres de la famille, c’est très important. Je recommande aux gens de penser comme un scientifique, d’expérimenter et de faire des essais, et de noter quelles sont les interactions qui me paraissent vraiment nourrissantes. Quelles sont les interactions qui me paraissent épuisantes au cours d’une semaine donnée, compte tenu de mon calendrier social et de mes engagements? Comment est-ce que je me sens à la fin? Est-ce que je me sens en relation, ou non? Un élément intéressant de la santé sociale est qu’il n’existe pas de scintigraphie cérébrale ou d’analyse sanguine pouvant déterminer de manière concluante la santé sociale d’un patient.

C’est très subjectif. Plusieurs éléments interviennent, et c’est ce qui rend l’exercice amusant. Je peux expérimenter et voir comment je me sens après avoir parlé à un ami au téléphone ou après avoir dîné avec mon partenaire. Est-ce que je me sens connectée? Est-ce que je me sens seule en général? Qu’en est-il de mes interactions avec mes collègues et mes voisins? Il s’agit donc d’être attentif, de faire des expériences et de s’amuser. Je pense que vous constaterez les bienfaits tangibles en temps réel.

Jennifer Botterill :

En comparant cette notion à la description de la quantité par rapport à la qualité, et sur la base de votre expérience en matière de relations, pourriez-vous nous parler du rapport entre la quantité et la qualité? Par exemple, est-il préférable d’avoir beaucoup d’amis avec lesquels on est moins proche, ou d’avoir quelques amis proches, ou encore de se situer entre les deux, ou est-ce toujours une question d’échelle?

Kasley Killam :

Bonne question. Je dirais que la qualité et la quantité sont toutes deux importantes, mais la qualité l’est davantage. Nous avons tous besoin d’un certain niveau d’interaction et de contacts avec les autres. En tant qu’êtres humains, c’est un besoin fondamental. Il est donc très important de veiller à maintenir ce minimum qui nous nourrit. Cela dit, il est vrai que les relations de qualité, les interactions de qualité, les relations à long terme et significatives sont plus satisfaisantes pour la plupart des gens. Là encore, il y aura des différences. Comme vous l’avez dit, selon que vous êtes introverti ou extraverti, la quantité d’interaction qui vous est utile varie. Mais je pense que nous pouvons tirer des conclusions intéressantes des tendances observées au fil du temps. Ainsi, dans toutes les cultures, les gens tendent à entretenir un ou deux liens profonds, très, très étroits et significatifs, ainsi que quelques relations proches sur le plan émotionnel.

Par ailleurs, une quinzaine de personnes sont de bons amis. C’est donc la quantité qui semble être une règle générale vers laquelle les gens tendent. Je pense qu’une bonne règle de base à suivre est de viser environ trois relations épanouissantes et vraiment significatives pour vous, où vous entretenez des liens profonds. Il faut aussi être conscient de la quantité. L’idéal est de leur consacrer environ une heure par jour, bien que moins de temps puisse suffire. Des recherches ont montré que des appels téléphoniques de 10 minutes ont des effets significatifs sur la solitude et le sentiment d’appartenance. L’idéal serait donc d’avoir trois relations étroites et une heure de communication par jour.

Jennifer Botterill :

Vrai. Excellent. Et il est certain que mes cercles sociaux ont changé et évolué au cours de ma vie. En pensant à mes années universitaires ou à mes années de compétition en tant qu’athlète, maintenant que je suis mariée et que j’ai des enfants, je me dis qu’il est difficile de se faire de nouveaux amis. Pouvez-vous nous donner des conseils sur la façon de se faire de nouveaux amis et de tisser des liens à l’âge adulte ou en vieillissant?

Kasley Killam :

C’est une excellente question. Absolument. Nos besoins en matière de santé sociale évoluent avec le temps. Plus jeunes, nous découvrons en quelque sorte notre vie sociale. Il s’agit de définir qui nous sommes dans une situation sociale. Comment dois-je me présenter? Quels sont les types d’amitiés qui ont un sens pour moi? Et nous développons vraiment ces compétences sociales. Ainsi, plus jeunes, il est peut-être plus important d’avoir un grand nombre d’interactions et de relations différentes afin d’apprendre à mieux se connaître et de savoir quelles sont nos préférences en matière de santé sociale. Puis, avec le temps, comme vous l’avez décrit, on peut réduire un peu le nombre de relations et réfléchir davantage à celles qui sont les plus importantes pour nous. Nous sommes plus occupés avec le travail, les enfants. Tous ces facteurs interviennent et font que nous avons moins de temps à consacrer à la socialisation.

Je dirais toutefois qu’il est facile d’être trop occupé et de se laisser absorber par les nécessités pressantes du quotidien, au point de négliger ses autres relations. C’est souvent la première chose que nous laissons de côté. Lorsque nous sommes occupés, nous priorisons le travail. J’en suis aussi coupable que n’importe qui. Nous donnons souvent la priorité au travail plutôt qu’à nos relations, et c’est là qu’à un moment donné, nous constatons que nous n’avons plus les relations étroites que nous souhaitions. Il faut donc s’assurer de maintenir ces relations, même si leur nombre change au fil du temps, en y consacrant toujours des efforts.

Jennifer Botterill :

Et diriez-vous que cette évolution est constante? Par exemple, si je pense à mes parents ou à des gens plus âgés que moi, est-ce que les types de relations dont ils ont besoin dans leur vie continuent d’évoluer?

Kasley Killam :

C’est une bonne question. Je dirais que les types de relations n’ont pas nécessairement besoin de changer, mais qu’elles sont toujours aussi importantes. Je pense que beaucoup de gens, lorsqu’ils prennent leur retraite, par exemple, ou lorsqu’ils avancent en âge, perdent les interactions quotidiennes qu’ils avaient au travail. Ils ne voient plus leurs collègues régulièrement. Les activités sont souvent moins nombreuses, malheureusement. Ils constatent alors qu’ils n’ont plus autant de relations qu’ils le souhaiteraient. Je pense donc qu’avec l’âge, il est plus important d’entretenir la bonne quantité de relations et d’interactions et de rester engagé en faisant du bénévolat, en restant en contact avec sa famille et ses amis, en créant des amitiés intergénérationnelles, pour maintenir sa santé sociale en vieillissant.

Jennifer Botterill :

En ce qui concerne la santé sociale et le vieillissement, quels sont les effets spécifiques de la santé sociale sur le processus de vieillissement et la longévité?

Kasley Killam :

Je pense donc qu’il est bon d’envisager cette question sous l’angle de la santé physique. Si nous veillons à notre santé physique tout au long de notre vie, si nous nous assurons de manger des aliments sains, de faire de l’exercice régulièrement et de dormir convenablement, nous en tirerons des bienfaits à court terme, mais aussi à long terme, car ce sont là des mesures préventives qui nous permettront de bien vieillir. Il en va de même pour la santé sociale. C’est un muscle que nous pouvons constamment renforcer. Je dirais donc que la santé sociale est une ressource et un atout que vous pouvez exploiter et entretenir au fil du temps. Il faut donc la considérer comme une ressource que l’on peut cultiver pour l’avoir sous la main au besoin. Et lorsque nous serons plus âgés, elle influencera des facteurs comme le risque de maladie cardiovasculaire, de mortalité, et nous sera vraiment bénéfique.

Jennifer Botterill :

Nous avons donc examiné les nombreux bienfaits de la santé sociale. Maintenant, si les gens écoutent et pensent qu’ils n’en ont pas encore fait une priorité dans leur vie, les effets possibles d’une mauvaise santé sociale sur la santé et le vieillissement pourraient-ils être corrigés, voire inversés? Quels changements pourriez-vous ressentir dans votre corps si votre santé sociale s’améliorait?

Kasley Killam :

Bonne question. Il n’est jamais trop tard.

Jennifer Botterill :

Excellent. Vrai.

Kasley Killam :

À tout moment, quelle que soit la situation dans laquelle vous vous trouvez, vous pouvez certainement améliorer votre santé sociale et profiter des résultats qui en découlent. Ainsi, ce que je dirais à une personne qui se sent un peu isolée ou seule, c’est qu’elle peut agir sur la situation et qu’il y a des mesures à prendre. Et encore une fois, ces mesures peuvent être très simples. Il peut s’agir simplement d’envoyer un message à quelqu’un à qui vous n’avez pas parlé depuis un certain temps. Il peut s’agir de faire du bénévolat dans votre communauté pour rencontrer de nouvelles personnes qui vivent à proximité et s’impliquer dans une activité qui vous donne un but, un sens de l’engagement et des interactions régulières. Il y a donc certainement des mesures que chacun d’entre nous peut prendre, et si vous vous sentez concerné, n’hésitez pas à prendre plaisir à le faire. Commencez à vous amuser. Dites-vous qu’il s’agit d’un muscle que vous renforcez. Vous pouvez le faire à tout âge, quelle que soit votre situation, et en retirer les bienfaits.

Jennifer Botterill :

Absolument. C’est très encourageant de savoir que, comme vous l’avez dit, ces simples gestes peuvent être très efficaces à court et à long terme. Maintenant, prenons l’exemple des mythes et des idées reçues qui circulent autour de la santé sociale. Y en a-t-il qui méritent d’être abordés ou clarifiés, selon vous?

Kasley Killam :

Bien sûr. Je dirais que l’un d’entre eux est lié à l’absence de santé sociale. Je crois qu’il y a un mythe selon lequel la solitude est toujours mauvaise pour la santé. Ce n’est pas vrai. La solitude est un signal similaire à la faim ou à la soif. Lorsque notre corps a faim ou soif, notre cerveau nous envoie un message et nous dit : « Bonjour, vous avez besoin de manger. Vous devez boire de l’eau parce que c’est essentiel pour votre survie. Vous mourrez si vous n’avez pas de nourriture et d’eau. » Et la solitude constitue en fait un signal similaire. Elle nous dit qu’il nous manque quelque chose. Nous avons besoin de rester en contact parce que c’est aussi essentiel pour la survie que la nourriture et l’eau. Il y a quelques années, le MIT a réalisé une étude très intéressante dans laquelle on a examiné le cerveau de personnes qui avaient été isolées pendant une journée ou qui n’avaient pas mangé pendant une journée, et on a constaté que les régions du cerveau qui étaient activées étaient les mêmes dans les deux cas.

Ainsi, notre cerveau reconnaît l’isolement de la même manière qu’il reconnaît la faim, et nous devons écouter ce signal. La solitude n’est donc pas toujours une mauvaise chose. Un autre mythe veut que la solitude soit en quelque sorte le problème des personnes âgées. On a tendance à croire qu’en vieillissant, on est plus isolé et qu’on risque davantage de se sentir seul. Mais en réalité, ce que nous constatons régulièrement dans les recherches, c’est que ce sont les jeunes générations qui souffrent d’une mauvaise santé sociale et qui se sentent détachées. Voilà un paradoxe auquel nous devons réfléchir attentivement. En tant que société, nous disposons de plus de moyens que jamais pour établir des liens, et pourtant ils ne semblent pas fonctionner. Ainsi, nous devons nous préoccuper de la santé sociale tout au long de la vie et aider nos enfants et les jeunes générations à assimiler ces notions dès leur plus jeune âge pour les aider à vivre une vie saine sur le plan social.

Jennifer Botterill :

Absolument. Il semble que cette prise de conscience, cette éducation puisse être extrêmement importante pour les gens à tout âge. À l’échelle de la société, que pourrions-nous faire de mieux pour encourager et promouvoir la santé sociale?

Kasley Killam :

Dans ce contexte, je pense que l’éducation est un élément clé. Oui, je pense que les compétences en santé sociale devraient être enseignées dès le plus jeune âge à l’école, et des efforts sont faits en ce sens. Des travaux intéressants sont menés à Calgary pour enseigner la santé sociale, ainsi que sur des campus universitaires aux États-Unis. Des efforts sont aussi déployés pour établir des programmes scolaires visant à aider les jeunes à exercer leurs muscles sociaux. Je pense que ces initiatives seront très importantes à l’avenir, mais il reste encore beaucoup à faire à l’échelle de la société. C’est ce que j’aime penser. C’est en grande partie l’objet de mon travail. Je travaille en partenariat avec des organisations des secteurs de la technologie, des soins de santé, de l’éducation et autres, pour trouver des moyens de créer des programmes, des services et des environnements qui font la promotion de la santé sociale.

Pour bâtir une société saine sur le plan social, nous devons agir à tous les niveaux, par le biais des lois que nous adoptons et des environnements physiques que nous créons. Une grande partie de mes recherches à la Harvard School of Public Health a porté sur la façon de concevoir les villes de sorte à promouvoir les relations et le sens de la communauté, et aussi sur les soins de santé. De plus en plus, on assiste à un mouvement en faveur des prescriptions sociales, où les médecins posent des questions sur les relations et la solitude lors d’un rendez-vous médical et aident les gens à trouver des ressources s’ils se sentent isolés. Tous ces efforts conjugués seront donc très importants. Et la dernière chose que je dirai à ce sujet, c’est que tout dépend de chacun d’entre nous en tant qu’individu. Quelles normes culturelles appliquons-nous et transmettons-nous aux générations futures? Disons-nous bonjour à nos voisins? Sommes-nous prêts à nous présenter lorsqu’une nouvelle personne emménage dans notre immeuble ou dans notre rue? Traitons-nous les autres avec bienveillance, patience et empathie, cherchons-nous à connaître des personnes d’horizons différents? Tous ces éléments sont importants, et le comportement que chacun de nous choisit d’adopter dans ses interactions quotidiennes façonne la société dans laquelle nous vivons. Il y a donc un grand potentiel à vouloir adopter un comportement social sain pour son propre avantage, mais aussi pour celui de la culture.

Jennifer Botterill :

Excellent. C’est un excellent rappel pour les individus. Je pense aussi à mes enfants et à la nécessité de leur apprendre dès leur plus jeune âge à adopter un mode de vie sociale sain. Et je vous remercie pour le travail incroyable que vous accomplissez pour améliorer la santé sociale dans notre société. J’espère que vous êtes souvent fière de vous. Et enfin, je pense que nous avons déjà couvert beaucoup de sujets, mais quelles sont les deux choses que vous aimeriez que nos auditeurs retiennent de notre entretien d’aujourd’hui?

Kasley Killam :

Bien sûr. La première chose que je souhaite que les gens retiennent, c’est que les relations sont aussi importantes que l’exercice physique, l’alimentation et le sommeil. C’est une pratique essentielle que nous devrions tous privilégier dans notre vie quotidienne. La santé sociale est aussi importante que la santé physique et mentale, et c’est de plus en plus reconnu. J’en suis très heureuse, parce que nous aurons tous intérêt à donner la même priorité à nos relations qu’à notre corps et à notre esprit. La deuxième chose que j’aimerais que les gens retiennent, en reprenant mes propos précédents, c’est que vous avez un pouvoir d’action et qu’il suffit de prendre des mesures simples pour tendre la main, nouer des liens, bâtir des relations saines. Elle a un effet considérable sur votre propre bien-être, votre santé, votre longévité, mais aussi sur notre culture et notre société dans son ensemble.

Jennifer Botterill :

Kasley, je vous remercie d’avoir transmis toutes ces informations précieuses. Votre point de vue nous a permis d’en apprendre beaucoup sur notre santé sociale et nous a fourni des outils que nous pouvons maintenant tous mettre en pratique. Kasley, ce fut un plaisir, et merci beaucoup. Nous vous remercions sincèrement.

Kasley Killam :

Merci, Jennifer.

Jennifer Botterill :

Voilà! Merci d’avoir écouté un épisode du balado Au-delà de l’âge, une exclusivité de Manuvie. Dans le prochain épisode, nous nous entretiendrons avec la Dre Beth Abramson, de Toronto (Ontario), au sujet de la santé de votre cœur et des moyens de vaincre les maladies cardiaques. N’oubliez pas de consulter notre site Web, manuvie.ca/vivre-en-meilleure-sante, pour obtenir d’autres conseils, vidéos et contenus de Manuvie qui peuvent vous aider à vivre plus longtemps en santé, quel que soit votre âge.

Présentateur :

Les pensées et les opinions exprimées sont celles de l’animateur et de ses invités; elles ne représentent pas nécessairement celles de Manuvie.

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