Épisode 10 : La génération sandwich : Comment la prise en charge familiale influe sur la santé et la longévité

July. 4, 2023 |  25 minutes

Joignez-vous à l’animateur Brent Bishop alors qu’il s’entretient avec Lycia Rodrigues, une gestionnaire de soutien aux aidants naturels de Victoria (Colombie-Britannique). Ils discuteront de la « génération sandwich » et du rôle de la prise en charge familiale sur la santé et la longévité.

Remarque : tous les balados ont été enregistrés en anglais seulement.

Transcription de l’épisode

Présentateur :

Vous écoutez la série de balados Au-delà de l’âge.

Brent :

Bonjour et bienvenue au balado Au-delà de l’âge, une série exclusive de Manuvie dans laquelle nous discutons avec des experts pour faire la lumière sur la santé globale et le vieillissement. L’idée : vous aider à vivre plus longtemps et en meilleure santé, quel que soit votre âge. Je suis votre animateur, Brent Bishop, et aujourd’hui, je suis en compagnie de Lycia Rodriguez, de Victoria, en Colombie-Britannique. Elle est directrice du soutien aux aidants naturels chez Family Caregivers of British Columbia. Aujourd’hui, nous discuterons de la génération « sandwich », de la façon de prendre soin des aidants naturels et des répercussions que la prestation de soins à un proche peut avoir sur la santé et la longévité des aidants. Bienvenue, Lycia!

Lycia :

Merci. Je suis très contente d’être ici avec vous aujourd’hui pour parler de proche aidance.

Brent :

C’est vraiment super de vous avoir avec nous aujourd’hui. C’est un sujet tellement formidable et tellement important à aborder; j’ai très hâte d’entendre ce que vous avez à dire sur la question. Mais pour commencer, parlez-nous un peu de vous, et de ce qui vous a amené à vous intéresser à ce sujet.

Lycia :

Bien sûr. Oui. Je travaille avec des aînés et des aidants naturels depuis plus de 10 ans maintenant. Ce qui me passionne, c’est de créer toujours plus de stratégies de mieux-être et d’activités novatrices pour que les aidants naturels aient accès à encore plus d’occasions d’améliorer leur bien-être. Il y a une citation de Rosalyn Carter qui colle vraiment bien à ma vie. Rosalyn Carter disait qu’il n’y avait que quatre catégories de personnes dans le monde : il y a ceux qui ont déjà été aidants naturels, ceux qui le sont, ceux qui le seront et ceux qui en ont besoin. Wow. Beaucoup de gens me demandent d’où me viennent cet intérêt et cette passion pour la proche aidance. Et je réponds souvent en racontant un pan de ma vie personnelle. Quand j’avais 14, presque 15 ans, j’ai eu un grave problème de santé et plusieurs personnes ont agi comme aidants naturels pour moi à l’époque. En fait, la seule raison pour laquelle je suis ici aujourd’hui, c’est parce que j’avais des aidants familiaux : ma mère, mes frères et sœurs, mes voisins. Tous m’ont aidée à me remettre d’un anévrisme cérébral.

Brent :

Oh, wow!

Lycia :

Oui, c’était très grave. Ils ont été mon principal soutien; ils m’ont aidée à chaque étape de ma guérison. J’étais très jeune, mais ce que j’ai vécu était très similaire à un accident vasculaire cérébral, ou AVC. C’est un trouble qui touche beaucoup d’aînés de 70, 80 ans. Dès lors, je savais que je travaillerais à aider les gens qui vivent ce type d’expérience. Au Brésil, j’ai fait des études pour devenir psychologue, puis j’ai travaillé dans un hôpital. Je travaillais essentiellement avec des familles et des gens qui vivaient des problèmes de santé majeurs. Un jour, j’ai décidé de déménager au Canada. Depuis 20 ans maintenant, je travaille en gérontologie, et surtout avec des aidants naturels.

Brent :

C’est un travail très important. Ça me touche quand les gens font un travail qui les passionne et qui est significatif pour eux en raison d’une expérience personnelle. Merci de nous en avoir parlé.

Lycia :

Oui. Bien sûr. Oui.

Brent :

Quand j’ai entendu parler de la génération « sandwich » pour la première fois, je me suis demandé à quoi ça faisait référence! Peut-être pouvez-vous nous en dire plus sur le phénomène et nous expliquer les facteurs de stress ou les défis que les personnes touchées vivent.

Lycia :

Oui, Brent. C’est une question très complexe. En fait, les gens de la génération « sandwich » sont des personnes qui doivent à la fois prendre soin de leurs parents, donc des adultes plus âgés, et de leurs jeunes enfants.   Ils sont entre deux générations et prennent soin des deux.

Brent :

En plein dans le milieu!

Lycia :

D’après les statistiques du Canada, 20 % des aidants naturels seraient dans cette situation. C’est beaucoup de monde! Et la plupart d’entre eux travaillent aussi à temps plein. Vous pouvez donc imaginer le stress qu’ils vivent, n’est-ce pas? Ils doivent jongler avec le travail, avec la famille, et composer avec leurs parents qui sont parfois atteints de démence ou qui ont eu un AVC, ce qui exige beaucoup de soins à domicile. Et ils font face à un stress financier, aussi, bien entendu. Ils ont parfois besoin d’embaucher du personnel de soutien et ils naviguent avec un système de santé qui est parfois tellement compliqué.

Brent :

Je peux imaginer.

Lycia :

Le premier grand défi auquel ils sont confrontés, c’est le stress émotionnel. Ces gens-là font face à beaucoup d’incertitude. La plupart d’entre eux n’ont pas prévu de devenir des aidants naturels. Ça représente un grand fardeau pour eux.

Brent :

J’ai des amis dans cette situation. C’est un vrai défi pour eux et c’est tout un exercice d’équilibre pour tout gérer. Absolument. Il y a aussi les gens qui vivent l’effet « club sandwich », si je puis dire. J’entends par là des gens qui sont dans la soixantaine et qui prennent soin de leurs petits-enfants pour que les parents puissent travailler et qui prennent aussi soin de leurs parents qui ont 80, 90 ans. Je n’arrive pas à imaginer à quel point ce doit être difficile comme situation. Quels seraient les défis propres à ces gens de la génération « club sandwich »?

Lycia :

Oui. C’est une très bonne question. On les appelle des aidants mixtes, ils combinent plusieurs formes de proche aidance. Ils doivent gérer de grandes transitions de vie. La plupart d’entre eux doivent composer avec des problèmes liés au vieillissement. Parfois, un de leurs parents a fait une chute. Malheureusement, ça arrive. Les chutes marquent parfois le début d’un parcours de soins.

Brent :

Le nombre de chutes est statistiquement très élevé; certaines entraînent même la mort!

Lycia :

Oui, les chutes sont très fréquentes. Et s’ils sont des personnes âgées, ils ont peut-être également un ou une partenaire de vie qui souffre d’une maladie chronique, comme le diabète, par exemple. Ils doivent donc aussi gérer la prise de médicaments. Ils doivent être au courant des traitements que leur proche doit suivre, des soins de santé qu’il ou elle doit recevoir. Et parfois, comme vous l’avez dit, ils sont aussi responsables de leurs petits-enfants. Bien sûr. Donc, le stress émotionnel est un facteur important. Le stress financier en est un autre. Pourquoi? C’est que beaucoup d’aidants doivent cesser de travailler. Dans de nombreuses provinces au Canada, il y a très peu d’aide financière pour les aidants naturels pour le moment. Certains quittent leur emploi. Ils retirent toutes leurs économies. Le Canada n’offre pas de prestations mensuelles, par exemple, pour que les aidants puissent s’engager entièrement dans les soins à leurs parents.

Brent :

Le stress devient exponentiel, j’imagine. D’une part, il faut du temps pour prendre soin de ses proches; mais si vous avez épuisé toutes vos économies et si vous n’avez pas d’allocation pour vous aider à passer au travers, votre niveau de stress doit être très élevé, en effet! Donc, il y a les aidants d’un côté, et les aidés de l’autre. Parlons des aidants d’abord. Vous avez mentionné plusieurs points intéressants déjà. Quelles répercussions est-ce que la proche aidance peut avoir sur la santé et l’espérance de vie de la génération « sandwich »?

Lycia :

Nous travaillons beaucoup dans ce domaine. De nombreuses recherches montrent que les gens de la génération « sandwich » développent plus de maladies chroniques que le reste de la population. La santé mentale est un enjeu important. Les aidants qui sont eux-mêmes des personnes âgées ont sans doute un risque plus élevé de développer des symptômes de dépression, d’anxiété ou d’autres troubles de santé mentale. D’après les recherches, les troubles du sommeil sont fréquents au sein de ce groupe de la population. Et tout le monde sait que le sommeil est un facteur de protection important. Donc, si les aidants ne dorment pas bien, ils vont probablement avoir d’autres problèmes de santé chroniques. On voit aussi beaucoup de cas de diabète, car l’alimentation des proches aidants n’est pas la meilleure : ils n’ont pas les ressources, le temps, l’occasion de bien planifier leurs repas. C’est donc un problème majeur. On peut aussi penser aux blessures physiques. Souvent, les proches aidants prodiguent beaucoup de soins personnels : ils transfèrent leur parent dans un fauteuil roulant, lui donnent un bain ou une douche. Ça cause toutes sortes de blessures physiques. C’est donc un problème majeur.

Brent :

Oui, en effet. C’est un bon point. Je n’aurais pas spontanément pensé au risque de blessure, mais c’est très logique. Bien sûr. C’est beaucoup de responsabilité. J’ai un seul enfant et mes parents sont encore très autonomes. Je n’imagine pas ce que ça représente que de gérer tout ça. Maintenant, qu’en est-il des aidés? Quelles répercussions est-ce que la proche aidance peut avoir sur la santé et l’espérance de vie des personnes plus âgées?

Lycia :

Bien sûr. Évidemment, plus une personne obtient de soutien de la part de sa famille et de ses amis, meilleur est son pronostic en termes de santé et d’espérance de vie. Mais malheureusement, ce qu’on voit beaucoup, ici, à Victoria, ce sont ce qu’on appelle des aînés orphelins. Ce sont des personnes âgées qui n’ont aucun soutien de la famille, aucun soutien de leur collectivité. Ce sont des gens très isolés.

Brent :

Même d’un point de vue social, je présume, non? Parce qu’on le sait, la vie sociale est un aspect fondamental de la santé mentale et de la longévité.

Lycia :

Oui, on constate que les gens qui entretiennent toujours des liens sociaux ont des résultats de santé plus positifs. Et les soignants sont des partenaires essentiels. Ici, en Colombie-Britannique, – et c’est la même chose dans l’ensemble du Canada – 80 % des soins sont prodigués par des aidants naturels. Ce n’est pas l’hôpital, les médecins, les infirmières qui donnent le plus de soins; ce sont les aidants naturels.

Brent :

Wow! 80 %!

Lycia :

Ce sont eux qui doivent gérer tout le volet social qui est, comme vous l’avez dit, très important pour la santé. Ce sont aussi eux qui doivent prendre en charge tout l’aspect médical des traitements. Ils sont donc des partenaires essentiels. On essaie toujours de les mettre en lumière, ces aidants, parce que malheureusement, dans notre société, ces personnes sont un peu invisibles.

Brent :

Je comprends ce que vous voulez dire.

Lycia :

Ici, dans mon travail, c’est tout ce qui compte. Notre rôle, c’est de s’assurer que la collectivité comprend bien l’importance des aidants familiaux, que notre système de santé les reconnaisse et les inclut dans les soins. Vous savez, on parle souvent de « soins centrés sur le patient ». Chez nous, dans notre organisme, on insiste sur les « soins centrés sur la famille des patients ».

Brent :

Wow. Je pense qu’on tient souvent les aidants naturels pour acquis. Qu’on minimise un peu leur rôle. Dévions un peu de notre sujet. Évidemment, la pandémie a eu des répercussions sur les aidants. D’après votre expérience, quel a été l’impact de la pandémie sur les aidants naturels? Et maintenant que les gens retournent au travail, que les enfants reprennent l’école, qu’est-ce que ça a comme conséquence sur ces soignants?

Lycia :

En fait, il est devenu plus difficile de prodiguer des soins à des proches pendant la COVID, et même après. Pourquoi? Pour plusieurs raisons, mais la principale, c’est le manque d’appui que ces gens-là ont connu durant toutes ces années par rapport à ce qu’ils avaient connu auparavant. Et c’est encore vrai aujourd’hui à cause de la pénurie de personnel dans le système de santé. Par exemple, ici en Colombie-Britannique, pendant la COVID, de nombreux aidants naturels n’ont pas pu obtenir ce que nous appelons le soutien aux soins à domicile. Plus personne de l’extérieur ne venait à la maison les aider à prendre soin de leurs parents, leur fournir quelques soins personnels. Donc, les aidants naturels se sont retrouvés à en faire encore plus qu’avant. C’était très stressant. Voilà une des principales raisons. Il y avait aussi le stress financier, avoir à payer pour des services qui étaient auparavant gratuits. Ça a été un autre grand fardeau à supporter pour les aidants. Et il y avait aussi le fait qu’ils ne pouvaient plus côtoyer la famille, la communauté.

Ils faisaient donc tout tous seuls, ce qui est très difficile. Je voudrais mentionner un enjeu que nous avons eu ici, au Canada. Pendant la pandémie, les soignants ne pouvaient plus rendre visite à leurs parents ou à leur conjoint qui habitent des établissements de soins de longue durée. Donc, soudainement, ces personnes vulnérables perdaient la principale source de soutien qu’elles avaient. Bon nombre vivent d’ailleurs toujours avec les conséquences du traumatisme que ça leur a causé. Imaginez ne pas pouvoir être près de vos parents mourants. C’est terrible, n’est-ce pas? Tout le monde s’efforce de se remettre des situations traumatiques liées à la COVID, et c’est encore plus vrai pour les aidants. Et c’est une transition immense, qui s’accompagne aussi d’une certaine peur, n’est-ce pas?

Brent :

Bien. Tout ne revient pas immédiatement à la normale après non plus. Il y a encore certainement beaucoup de stress. En fait, il y a tellement de dimensions à ce stress lié à la COVID, je pense au manque de ressources après la pandémie, l’isolement que ça a causé et tous les autres facteurs dont vous avez parlé.

Lycia :

Oui, l’isolement était un problème majeur, parce que les soignants sont déjà très isolés. C’est toujours le cas. Le processus de récupération se poursuit encore, je dirais.

Brent :

Exactement. Nous allons faire une petite pause et vous retrouverons tout de suite après ce message.

Présentateur :

L’émission vous plaît jusqu’à présent? N’oubliez pas de consulter notre site Web, Manuvie.ca/vivre-en-meilleure-sante, pour obtenir d’autres conseils, vidéos et contenus de Manuvie qui peuvent vous aider à vivre plus longtemps en santé, quel que soit votre âge.

Brent :

Nous sommes de retour à Au-delà de l’âge. Lycia, en tant que gestionnaire du soutien aux aidants naturels, auriez-vous des conseils à donner aux aidants naturels et aux gens de la génération « sandwich » afin qu’ils puissent diminuer leurs facteurs de stress et mieux prendre soin d’eux-mêmes?

Lycia :

Oui. Nous fournissons beaucoup d’information et de soutien psychologique. Nous avons une ligne de soutien pour les aidants naturels, et on leur propose aussi ce qu’on appelle un « plan du soignant ». Ça ressemble à une feuille de route en fait, et c’est un outil pour les qu’ils puissent prendre soin d’eux aussi. Pas seulement de la personne à qui ils offrent des soins. Chez nous, on mise beaucoup sur ce qui compte pour les aidants naturels. Certains ont dû quitter leur travail, mais après un certain temps, ils prennent conscience qu’ils aimeraient continuer à travailler un peu, à raison de quelques heures par semaine, parce que leur travail était important pour eux. Bien sûr, prendre soin d’un proche donne un but aux aidants, mais ils doivent se rappeler qu’il y autre chose dans la vie que la proche aidance!

Brent :

C’est un facteur important, en effet. Il faut s’assurer de rester soi-même en santé, de trouver un but à son existence (autre que la proche aidance) pour pouvoir aider au mieux les autres.

Lycia :

Ils doivent comprendre qu’ils doivent prendre part à des activités qui sont importantes pour eux en tant que personnes. Faire des choses qui leur procurent du bien-être, qui les gardent en santé. Chez nous, tout commence avec le proche aidant. En fait, nous l’écoutons. C’est tout ce qu’on fait. On l’écoute nous expliquer ce qu’il vit et on tente de les sensibiliser à l’importance de prendre soin de leur propre santé. Et nous sommes là aussi pour leur offrir un soutien émotionnel, les amener à prendre conscience de leur situation. Souvent, les aidants vont dire qu’ils vont bien, alors qu’ils sont complètement épuisés!

Brent :

Ils ont même peut-être l’air d’aller bien de l’extérieur. Mais après un certain temps, si vous ne prenez pas soin de vous, vous en subirez peut-être les conséquences.

Lycia :

Oui. Il faut les amener à prendre conscience de ce qu’ils vivent, eux. Une fois qu’ils sont un peu plus conscients de leur situation, on explore avec eux le type de soutien ou d’activités qu’ils pourraient mettre en place. Je travaille aussi beaucoup avec des groupes de soutien. Nous avons beaucoup de groupes de soutien par les pairs. Donc, on essaie d’amener les aidants naturels à faire partie d’un réseau de soutien pour qu’ils ne se sentent pas seuls. Ils peuvent nous appeler pour obtenir de l’aide. Ils peuvent participer à nos groupes de soutien pour rencontrer d’autres personnes qui sont dans la même situation qu’eux et pour qu’ils ne se sentent pas coupables, parce que la proche aidance provoque beaucoup de culpabilité chez les aidants. Ils croient souvent qu’ils n’en font pas assez, qu’ils ne sont pas suffisamment présents. Des femmes ont l’impression de ne pas être une bonne mère parce qu’elles consacrent une partie de leur temps à prendre soin de leurs parents. D’autres ont le sentiment de ne pas être un bon employé, de ne pas bien faire le travail, parce qu’ils prennent soin aussi d’un proche.

Dans notre groupe de soutien, on accueille les aidants sans les juger. C’est un lieu d’échange et les gens s’aident mutuellement. Les résultats sont très positifs. Nous travaillons aussi beaucoup à l’éducation des aidants. Leur apprendre à se préparer aux incertitudes. À se doter d’un plan de soins pour qu’ils en sachent un peu plus sur les ressources à leur disposition avant qu’une crise survienne. C’est important. C’est donc un problème majeur. Et nous avons beaucoup de matériel éducatif. Nous avons des bulletins d’information, et ce sont des ressources importantes que les aidants peuvent utiliser. Je travaille aussi beaucoup à donner une voix aux aidants. Parce que leur histoire est importante. Pour nous, il est important que ces récits personnels soient connus. Chaque fois qu’on le peut, dans les réunions de santé publique par exemple, nous amenons des aidants pour qu’ils racontent leur histoire. Et c’est une démarche qui est très puissante pour eux, car ils sentent que leur histoire a une importance. Ils veulent changer les choses. Il faut constamment travailler à améliorer les choses pour les aidants.

Brent :

Je sais que ces groupes de soutien sont extrêmement utiles, dans toutes sortes de situations. De pouvoir discuter de son expérience avec des personnes qui vivent la même chose que nous, ça peut certainement éliminer un peu de culpabilité. Ça doit aider les soignants à réaliser qu’ils ne sont pas seuls. Ce doit être très positif pour la santé, en effet. Maintenant, qu’est-ce que la société en général pourrait faire pour soulager la pression que ressent la génération « sandwich »? Selon vous, y a-t-il quelque chose qui pourrait être utile? J’imagine qu’il y a beaucoup de choses qu’on pourrait faire!

Lycia :

C’est vraiment un bon point. Oui. Nous l’avons mentionné un peu plus tôt : les aidants sont invisibles dans notre société. D’ailleurs, beaucoup de soignants ne se voient pas comme tels. Ils se disent : « Ce sont mes parents et je fais ce que n’importe quel enfant ferait pour ses parents. Non? » « C’est mon mari ou c’est ma femme. Je fais ce que les partenaires de vie sont censés faire. » Mais ils donnent aussi des soins. Il faut donc les amener à s’identifier comme des aidants naturels. Les aidants doivent apprendre à se voir comme tels. Dans les milieux de travail, il serait bien que les gens soient davantage conscientisés. Si un employé prend soin de ses parents, il a besoin de congé. Vous savez? Il a besoin d’une pause. En fait, c’est surtout de prendre conscience du stress que ça représente, de l’effort que ça exige. C’est beaucoup plus que du temps plein! Donc, je pense que la première chose à faire dans la société, ce serait de se conscientiser à la cause des aidants. Et comprendre qu’il n’y a pas assez de ressources pour les soutenir. Ce serait vraiment formidable si nous avions des politiques de soutien financier pour les aidants. Ils seraient alors en mesure d’aider leur proche sans ce stress supplémentaire. Ici, les gens font tout tous seuls. Je viens d’un milieu latin et les choses sont différentes dans d’autres cultures, comme les cultures asiatiques ou les cultures latino-américaines ou africaines. On pense plus en termes de communauté. Vous savez ce qu’on dit, que ça prend un village pour élever un enfant!

Brent :

Oui. Bien sûr.

Lycia :

C’est bien ça? Oui. C’est une lourde charge à assumer pour une seule personne. Il faut demander de l’aide. Je pense que beaucoup de soignants ont tellement peur de demander de l’aide.

Brent :

Oui. Ça doit jouer beaucoup. Pensez-vous que c’est parce que les aidants ont peur que les gens disent qu’ils ne sont pas capables de gérer la situation par eux-mêmes? Ou croyez-vous qu’il y a de la culpabilité dans tout ça?

Lycia :

Je suis entièrement d’accord. Il y a beaucoup de culpabilité. Et vous savez, dans notre société, on valorise beaucoup l’indépendance. Mais il faut apprendre à mettre ses limites, à reconnaître que nous ne pouvons pas tout faire seuls et isolés. Il faut demander de l’aide. Pour l’instant, quand les aidants appellent à l’aide, ils peuvent avoir l’impression de faillir à cette exigence d’indépendance et en ressentir de la honte.

Brent :

C’est logique, en effet.

Lycia :

Chaque fois que je parle avec un aidant, je m’efforce avec beaucoup de passion de changer cette idée reçue. Dans notre organisme, nous avons un outil, un cadre, qu’on appelle le cercle de soins. Nous le présentons à chaque aidant qui vient nous voir. L’idée, c’est de se créer un réseau, une équipe. Il peut s’agir d’un ou deux amis qui peuvent venir vous aider une fois par semaine. Quelqu’un qui peut amener votre père faire une promenade pour que vous ayez un peu de temps de votre côté.

Brent :

Oui. Dans tous les contextes, c’est toujours mieux de travail en équipe, en collaboration. C’est un point très important que vous soulevez. Croyez-vous que les gens de la génération « sandwich » tirent des bienfaits pour leur santé ou leur longévité grâce à cette expérience, du fait de côtoyer plusieurs générations ou de multiplier les échanges entre elles?

Lycia :

Oh oui. Oui. Il y a beaucoup de recherche sur le sujet. Prenons l’exemple de pays comme le Japon. On y vit davantage selon une vision communautaire. Dans de tels « villages », les occasions intergénérationnelles sont plus nombreuses, parce que les grands-parents ou les personnes âgées ne sont pas complètement seuls. Ils ont d’autres personnes qui vivent dans la même zone. C’est la même chose dans d’autres pays. Au Brésil, j’ai vécu longtemps avec mon arrière-grand-père. Il vivait dans la même maison que nous. Il y a beaucoup d’avantages pour les deux générations, parce que les enfants apprennent ce que c’est que de vieillir. Et pour les aînés, il y a beaucoup d’avantages cognitifs à côtoyer de jeunes enfants ou de jeunes générations, parce que ça les oblige à rester actifs!

Brent :

Ça les garde jeunes!

Lycia :

Les aînés peuvent transmettre leur savoir aux plus jeunes. C’est une belle chose pour eux que de pouvoir être un mentor. Ils sont plus âgés et leurs valeurs sont toujours très fortes. C’est un aspect très positif de la longévité.

Brent :

Je comprends. C’est bon pour le fonctionnement du cerveau des aînés et les plus jeunes apprennent sans doute plus efficacement aussi. Qu’en est-il des idées fausses les plus répandues sur la proche aidance qui devraient, selon vous, être démystifiées? Existe-t-il des connaissances communes qui sont encore enracinées dans la réalité?

Lycia :

Oui. Comme on le normalise, il est difficile de changer les choses et d’améliorer le sort des aidants naturels. Il faut cesser de penser qu’il revient, par exemple, à un mari de tout faire pour sa femme et de ne demander l’aide de personne. De tout prendre sur leurs épaules. Le concept d’intimité est tellement fort; ça devient difficile pour les aidants de demander de l’aide.

Brent :

Vous voyez? Il faut changer de mentalité, donc. Se rappeler qu’il faut un village pour aider une personne malade, qu’on ne peut pas tout faire seuls. Comprendre que les aidants naturels doivent conserver leur qualité de vie pour pouvoir rester aussi efficaces qu’ils croient l’être.

Lycia :

C’est un changement de culture.

Brent :

Absolument. C’est déjà bientôt la fin de notre entretien. Quelles seraient les leçons à retenir, aujourd’hui, à propos de la génération « sandwich » et des meilleures pratiques à suivre pour la proche aidance en général?

Lycia :

Je dirais que la proche aidance a aussi des aspects très positifs. C’est souvent l’occasion pour les gens de créer des liens forts et durables avec les membres de leur famille, liens qui n’étaient pas toujours présents avant la situation.

Brent :

C’est un bon point.

Lycia :

Voilà un des aspects positifs de la proche aidance. Bon nombre d’aidants affirment aussi qu’ils découvrent quelle est la musique préférée de leur parent. Il y a vraiment de beaux avantages à ce type de relation. Quant à la meilleure pratique à adopter, je répondrais que pour améliorer le bien-être des proches aidants, il faut bâtir leur réseau, ne pas rester seuls. Ne faites pas tout seuls. Ce serait mon principal message aujourd’hui. Et c’est pourquoi nous les encourageons toujours à appeler pour obtenir du soutien psychologique. Si on court ensemble, on ira plus loin. Si vous courez seuls, vous irez peut-être plus vite, mais ensemble, nous irons plus loin.

Brent :

C’est important. Quand on parle de santé et de longévité, on veut aller plus loin, pas nécessairement plus vite. C’est bien dit! Donc, si je résume, le premier point serait de réaliser que la proche aidance a des aspects positifs. Et puis le second point, sur lequel vous avez bien insisté, et qui est très important, c’est de créer des liens, s’assurer de ne pas tout faire seuls et d’avoir un réseau de soutien.

Lycia :

Et j’ajouterais la prise de conscience. On essaie toujours d’amener les aidants à prendre conscience de ce qu’il font, de ce qu’ils traversent, parce que de la culpabilité naît souvent le déni. Ils doivent intégrer le défi que représente sans doute leur situation.

Brent :

Oui. Vous voyez? En effet. Avez-vous un site Web que les gens peuvent consulter?

Lycia :

Oui. C’est le www.familycaregiversbc.ca.

Brent :

Incroyable! Merci beaucoup, Lycia. Je vous suis très, très reconnaissant du temps que vous nous avez consacré et je suis certain que les auditeurs le sont aussi. Merci pour toute l’information que vous nous avez transmise et pour votre expertise sur cet important sujet.

Lycia :

Merci. Je suis très contente d’avoir été des vôtres et d’avoir eu l’occasion de parler de proche aidance avec vous.

Brent :

C’est tout pour aujourd’hui. C’était le dernier épisode de la série Au-delà de l’âge, une exclusivité de Manuvie. Si vous n’avez pas écouté les autres épisodes du balado, je vous invite à le faire sur votre plateforme préférée de balados. Nous y abordons plusieurs sujets liés à un vieillissement en santé, comme la nutrition, le sommeil, l’exercice physique et du souci de soi. Enfin, n’oubliez pas de consulter notre site Web, manuvie.ca/vivre-en-meilleure-sante, pour obtenir d’autres conseils, vidéos et contenus de Manuvie qui peuvent vous aider à vivre plus longtemps en santé, quel que soit votre âge. Ça a été un plaisir. Je suis votre animateur, Brent Bishop. Portez-vous bien,

Présentateur :

Les pensées et les opinions exprimées sont celles de l’animateur et de ses invités; elles ne représentent pas nécessairement celles de Manuvie.

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