Rachat en cas d’invalidité – clauses et financement
Dernière mise à jour : Avril 2022
Introduction
Une invalidité représente une épreuve personnelle considérable pour un actionnaire. Elle pose également problème à la société, aux autres actionnaires et à la continuation d’une relation d’affaires. C’est souvent pour ces raisons que les actionnaires désirent exposer leurs intentions au cas où une telle éventualité se produirait et inclure des clauses de rachat dans une convention d’actionnaires.
Le présent bulletin Actualité fiscale porte sur les points qui devraient être couverts dans une convention d’actionnaires lorsque l’invalidité d’un actionnaire donne lieu à un rachat. Nous y discutons des conséquences fiscales des divers moyens de structurer le rachat. Nous y traitons également des avantages et des composantes des produits d’assurance (assurance invalidité, assurance maladies graves et valeurs de rachat de l’assurance vie) que l’on peut mettre à profit dans ce contexte.
La rencontre des esprits
Une convention d’actionnaires est un moyen de refléter l’intention des actionnaires quant à la nature de leur relation les uns avec les autres et avec la société. Une convention d’actionnaires bien rédigée peut porter sur divers sujets et ainsi prévenir les malentendus ou les problèmes potentiels entre les actionnaires. Un élément important d’une bonne convention d’actionnaires comprend les dispositions relatives à l’achat et à la vente qui permettent de transférer les actions de façon ordonnée afin d’éviter une liquidation forcée ou un rachat litigieux.
Les conventions d’actionnaires traitent souvent des cas de transfert suivants, en stipulant :
- Ce qui se produit en cas de décès, invalidité, faillite, insolvabilité ou rupture de mariage d’un actionnaire (fréquemment appelés « événements déclencheurs »);
- Le processus qui doit être suivi lorsqu’un actionnaire désire vendre ses actions à un tiers externe – voici des exemples :
- Droit de premier refus – oblige l’actionnaire à offrir ses actions aux autres actionnaires avant de les vendre à un tiers, aux mêmes conditions;
- Clause d’entraînement – permet aux actionnaires minoritaires, en cas de vente par l’actionnaire majoritaire, d’obliger celui-ci à forcer l’acquéreur à offrir d’acheter leurs actions aux conditions offertes à l’actionnaire majoritaire; ou
- Clause de sortie simultanée – oblige les actionnaires minoritaires à vendre leurs actions aux conditions auxquelles l’actionnaire majoritaire vend les siennes à un tiers;
- Si un achat ou une vente sont facultatifs ou obligatoires dans certaines circonstances;
- Qui doit acheter les actions : la société ou les autres actionnaires;
- Comment le prix d’achat doit être fixé;
- Comment un mécanisme de financement, telle une assurance, fonctionnerait dans les circonstances, ou quelles seraient les modalités de paiement acceptées par les parties.
Quelles mesures doivent être prises si l’un des actionnaires devient invalide? Cette question est probablement la plus difficile à traiter, mais elle est essentielle à la rédaction des dispositions de rachat de la convention d’actionnaires.
L’invalidité comme événement déclencheur d’un rachat – définitions et détermination
Normalement, pour qu’il y ait obligation ou option de rachat, l’événement déclencheur doit être clairement défini, afin que l’acheteur sache quand il doit ou peut acheter et que le vendeur sache quand il doit ou peut vendre. Des événements, tel un décès, sont certains et ne donnent généralement pas lieu à interprétation.
Toutefois, déterminer si un actionnaire est « invalide » peut être difficile et controversé. Cette notion est donc source de nombreux litiges. En général, dans un contexte de rachat, l’invalidité doit être « totale », « permanente », « prolongée » ou « de longue durée » par opposition à « de courte durée ». Dans le cas d’un actionnaire, il faut déterminer les types de tâches qu’il devra être incapable d’exécuter pour être considéré comme invalide. Voici d’autres points à prendre en compte :
- Quelle doit être la période d’évaluation des circonstances?
- Que surviendra-t-il si l’actionnaire se rétablit, puis régresse?
- Que surviendra-t-il s’il devient légalement incapable par suite d’une invalidité, d’une maladie grave ou d’un événement?
En supposant que les parties s’entendent sur la définition d’invalidité, il peut être difficile de déterminer si l’actionnaire satisfait physiquement à la définition, particulièrement si des personnes représentant des intérêts différents doivent convenir que l’intéressé a satisfait à la définition. S’il faut recourir à un tiers impartial pour trancher la question, la convention devrait prévoir la manière dont cette personne sera choisie. Si la convention d’actionnaires stipule que l’invalidité est un événement déclencheur, elle doit non seulement contenir une définition de ce terme, mais aussi prévoir le processus par lequel les parties détermineront si l’assuré a satisfait à cette définition.
Il y a d’autres points à couvrir.
- Les actionnaires veulent-ils un rachat obligatoire en cas d’invalidité, ou une option unilatérale d’achat ou de vente?
- Si une telle option est stipulée, les actionnaires doivent décider qui pourra l’exercer : l’actionnaire invalide ou l’autre actionnaire?
Si le rachat n’est pas financé au moyen d’une assurance, il est généralement facultatif, pour que les autres actionnaires puissent vérifier s’ils ont les moyens d’acheter les actions de l’actionnaire invalide. De plus, si celui-ci ne participe pas à la gestion de l’entreprise à titre d’employé ou de directeur, les autres actionnaires peuvent juger que son invalidité ne les oblige pas à acheter ses actions.
Cas où il n’y a pas d’assurance rachat en cas d’invalidité
Comme nous l’avons mentionné plus haut, si les parties veulent qu’une invalidité donne lieu à un rachat alors qu’il n’y a pas d’assurance en place, la convention doit contenir une définition du terme « invalidité » et prévoir une façon de déterminer s’il y a invalidité (à tout le moins comme solution de rechange à un rachat déclenché par l’exigibilité du produit d’une assurance invalidité). En l’absence, dans la convention, d’une clause explicite de rachat en cas d’invalidité, les actionnaires doivent se baser sur les autres clauses de la convention (ou sur une entente réciproque extérieure à celle-ci) pour acheter les actions de l’actionnaire invalide.
Par exemple, à défaut d’une clause expresse de rachat en cas d’invalidité, on peut recourir à une clause ultimatum (clause « shotgun »), laquelle permet à un actionnaire d’aviser les autres actionnaires de son intention d’acheter toutes leurs actions. L’avis doit indiquer le prix d’achat et les conditions de l’offre. Le destinataire doit vendre ses actions à l’offrant ou acheter toutes les actions de ce dernier aux mêmes conditions. L’idéal est que les actionnaires soient sur un pied d’égalité, notamment sur le plan de la participation dans l’entreprise ou du patrimoine. (Un actionnaire invalide peut être désavantagé.) À noter que la clause ultimatum a des inconvénients, car l’invalidité peut survenir à tout moment, et les parties n’auront peut-être pas alors des ressources financières suffisantes pour effectuer un rachat conformément à cette clause.
Une formule de rechange à la clause ultimatum consiste à inclure dans la convention d’actionnaires une clause obligeant l’actionnaire invalide à offrir ses actions aux autres actionnaires s’il a satisfait à la définition d’invalidité contenue dans la convention. Les autres actionnaires auront tout de même le choix d’acheter ou non.
Cas où il y a une assurance rachat en cas d’invalidité
Lorsqu’une assurance invalidité est envisagée, il n’est pas nécessaire que la convention de rachat contienne une définition d’invalidité et indique la façon de déterminer si l’assuré a satisfait ou non à cette définition. Cette tâche sera confiée à l’assureur. Dans la convention, l’événement déclencheur d’un rachat sera relié au moment de l’exigibilité de prestations au titre d’un contrat d’assurance invalidité. On peut faire mention expresse de ce contrat (lequel contiendra la définition du terme « invalidité ») dans la convention ou dans des annexes à celle-ci. Le renvoi aux définitions d’invalidité et à la méthode de détermination de l’invalidité contenues dans les contrats d’assurance est pratique, mais il faut également qu’un financement au moyen d’une assurance soit en place pour qu’un rachat puisse avoir lieu. Cependant, une fois que la prestation d’invalidité devient exigible, le rachat peut être obligatoire. Cela comporte l’avantage de ne favoriser personne en particulier quant au pouvoir de déterminer si un rachat doit être effectué.
La convention doit prévoir l’éventualité suivante : ou bien il n’y a pas d’assurance, ou bien l’assurance en vigueur n’est pas suffisante pour couvrir un rachat. S’il n’y a pas d’assurance, la convention devrait contenir une définition d’invalidité et indiquer la façon de déterminer s’il est satisfait à cette définition. Si l’assurance en place est insuffisante, l’événement déclencheur peut quand même être relié au moment de l’exigibilité du produit de l’assurance invalidité; seul le mode de paiement pourrait devoir refléter la capacité prévue des acquéreurs de fournir l’excédent nécessaire à l’achat.
Conséquences fiscales d’un rachat en cas d’invalidité financé par une assurance
Contrairement au capital-décès d’une assurance vie, le produit d’une assurance invalidité reçu par une société fermée ne donne pas lieu à un crédit à son compte de dividendes en capital (« CDC »). Cela limite l’approche d’un rachat en cas d’invalidité et, dans certains cas, complique la planification des résultats recherchés. Dans tous les cas envisagés ci-après, la prime ne serait pas déductible pour le payeur. Le produit du contrat serait versé aux actionnaires restants, à la fiducie ou à la société, selon le cas, en franchise d’impôt.
Méthode du rachat croisé
Selon la méthode du rachat croisé, chacun des actionnaires souscrit une assurance rachat en cas d’invalidité sur la tête de l’autre actionnaire et est tenu par la convention d’actionnaires d’acheter les actions de l’autre en cas d’invalidité de celui-ci. Le ou les actionnaires non invalides achètent les actions de l’actionnaire invalide au moyen d’un billet à ordre. Les sommes reçues au titre du contrat par le ou les actionnaires non invalides servent à rembourser le billet à ordre durant la période de versement des prestations d’assurance. On trouvera à l’Annexe A des clauses types de rachat en cas d’invalidité financé par une assurance invalidité souscrite selon cette méthode. Cette méthode entraînerait un gain en capital pour l’actionnaire invalide sur la vente de ses actions, lui permettant, le cas échéant, de demander la déduction pour gains en capital.
Par ailleurs, les actions de la société exploitante peuvent également appartenir à des sociétés de portefeuille (les « sociétés de portefeuille »), qui elles-mêmes appartiennent à des particuliers et sont contrôlées par eux. Chacune de ces sociétés de portefeuille serait propriétaire du contrat d’assurance invalidité des actionnaires des autres sociétés de portefeuille. Les primes seraient provisionnées au moyen de dividendes intersociétés en franchise d’impôt de la société exploitante à la société de portefeuille. Si une personne devient invalide, le produit de l’assurance sera utilisé pour acheter les actions de la société exploitante détenue par la société de portefeuille de la personne invalide.
Lorsqu’il y a un grand nombre d’actionnaires, on peut recourir à une fiducie pour mettre en place la méthode du rachat croisé. La fiducie détient des contrats d’assurance invalidité sur la tête de chacun des actionnaires, qui doivent lui verser leurs parties respectives du coût de ces contrats. Lorsque des prestations d’invalidité deviennent exigibles, la fiducie achète les actions de l’actionnaire invalide et les distribue aux autres actionnaires (bénéficiaires discrétionnaires de la fiducie) sur une base proportionnelle. On trouvera à l’Annexe A des clauses types de rachat en cas d’invalidité financé par une assurance invalidité souscrite selon cette méthode. Cette méthode entraînerait également un gain en capital pour l’actionnaire invalide sur la vente de ses actions, lui permettant de demander la déduction pour gains en capital.
Méthode du rachat par la société
Une autre méthode consiste à financer le rachat des actions de l’actionnaire invalide au moyen d’une assurance rachat en cas d’invalidité détenue par la société. Dans ce cas, cette dernière achète et annule toutes les actions de l’actionnaire invalide. On trouvera à l’Annexe A des clauses types de rachat en cas d’invalidité financé par une assurance invalidité souscrite selon cette méthode.
Le rachat des actions par la société, par contre, donne lieu à un dividende imposable pour cet actionnaire.
Par ailleurs, selon la méthode de rachat, les actions de la société exploitante peuvent également appartenir à des sociétés de portefeuille. La société exploitante détiendrait et paierait l’assurance invalidité de chaque personne. Dans ce scénario, le rachat des actions de la société de portefeuille détenue par la personne invalide pourrait être traité comme un dividende intersociétés libre d’impôt s’il y a suffisamment de « revenu protégé » dans la société exploitante, conformément au paragraphe 55(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). Si le revenu protégé est insuffisant, le paragraphe 55(2) de la Loi s’appliquerait et le dividende serait redéfini comme un gain en capital dans la société de portefeuille. Cette méthode permet à la société de portefeuille de la personne invalide de distribuer le produit du rachat à la personne invalide, au besoin (plutôt qu’une somme forfaitaire, comme ce serait le cas si la personne invalide était un actionnaire de la société exploitante).
Il est important de bien comprendre la méthode de rachat des actions afin que soient énoncées les obligations des parties (ou de leur mandataire, en cas d’incapacité d’un actionnaire) de prendre les mesures nécessaires pour effectuer le rachat. Dans les cas où l’on envisage une assurance invalidité détenue par une société, voir le « Guide sur les clauses générales à inclure dans les conventions de rachat au décès et en cas d’invalidité ».
Produits d’assurance rachat en cas d’invalidité
Plafonds à la souscription – un obstacle au financement total d’un rachat
Il n’est pas toujours possible d’obtenir une assurance rachat en cas d’invalidité qui couvre la pleine valeur de l’entreprise ou qui augmentera au rythme de la croissance de cette valeur. Si tel est le cas, selon la proportion dans laquelle le rachat est couvert par l’assurance rachat en cas d’invalidité, les actionnaires peuvent financer une partie du prix d’acquisition. Ce montant peut représenter un acompte important par rapport à l’engagement total. Il faut également prévoir dans la convention d’actionnaires le paiement de toute partie non financée du prix d’achat (modalités et période de paiement des actions).
À cette fin, on peut recourir à des stratégies liées au produit. Ainsi, le plafond de l’assurance rachat en cas d’invalidité pourrait être plus élevé si le délai de carence est plus long. De plus, le mode de paiement choisi permettrait une prestation plus élevée (si l’on opte pour des mensualités ou un acompte plutôt que pour une somme forfaitaire).
Coûts de l’assurance rachat en cas d’invalidité
Pour évaluer le rapport coût-efficacité d’une assurance rachat en cas d’invalidité, prenons l’exemple suivant. Pour un homme de 45 ans, non-fumeur, faisant partie de la meilleure catégorie professionnelle sur le plan du risque et dont la valeur assurable de son intérêt dans une entreprise est de 500 000 $, la prime annuelle serait d’environ 3 245 $ pour le paiement d’une somme forfaitaire après un délai de carence de 12 mois. S’il devient invalide avant l’expiration du contrat (à l’âge de 63 ans), la prime serait manifestement avantageuse. Toutefois, tout se ramène en définitive à la probabilité de devenir invalide.
Selon la 1985 Commissioner’s Individual Table A, la probabilité d’être atteint, avant l’âge de 63 ans, d’une invalidité qui dure au moins 12 mois est d’environ 7 %. À noter que s’il y a trois actionnaires, le risque que l’un d’eux soit atteint d’une telle invalidité grimpe à environ 20 %.
De plus, pour établir la structure d’un rachat en cas d’invalidité, il faut tenir compte de la différence entre le coût après impôt d’une assurance détenue personnellement et celui d’une assurance détenue par la société. Cette différence peut influer sur le choix d’une méthode de rachat.
Durée du délai de carence
Le délai de carence correspond généralement à la période durant laquelle l’intéressé doit satisfaire à la définition d’invalidité au titre du contrat. La plupart des contrats d’assurance rachat en cas d’invalidité permettent une certaine discontinuité du délai de carence. Ainsi, certains assureurs exigent que le délai de carence de 12 mois coure à l’intérieur d’une période de 18 mois ou permettent des intervalles pouvant aller jusqu’à 6 mois entre deux périodes d’invalidité. Les actionnaires pourront fixer la durée du délai de carence selon leurs relations d’affaires. Cette période peut être de 12 à 36 mois.
Les parties devraient aussi se demander combien de temps elles veulent attendre avant d’exiger un rachat. C’est une question de juste mesure – un actionnaire invalide peut hésiter à exiger un rachat, car l’entreprise peut représenter pour lui non seulement un actif important, mais aussi une source de revenu continu. Par contre, le ou les autres actionnaires exigeront peut-être un rachat le plus tôt possible de façon à pouvoir poursuivre l’exploitation de l’entreprise (prendre des risques, etc.) sans avoir besoin d’obtenir l’appui de l’actionnaire invalide.
Comme il n’est pas possible de prédire quel actionnaire (le cas échéant) deviendra invalide, les parties peuvent envisager ce risque au préalable de façon impartiale et convenir d’un délai de carence acceptable en vue du règlement du dossier. C’est dans cet état d’esprit que l’on peut choisir le délai de carence au titre d’un contrat d’assurance rachat en cas d’invalidité.
Une période d’attente plus longue peut permettre d’augmenter le montant des prestations ou de réduire le coût d’un montant particulier.
Paiement des sommes assurées – somme forfaitaire et/ou série de versements
Le produit d’une assurance rachat en cas d’invalidité peut être payé au moyen d’une somme forfaitaire, d’une série de versements ou d’une combinaison de ces deux méthodes. Les montants autorisés varieront selon le contrat. En général, on n’exige pas que l’invalidité soit continue une fois que les sommes assurées deviennent exigibles (cela diffère dans le cas de l’assurance invalidité et frais généraux), que ce soit au moyen d’une somme forfaitaire, d’une série de versements ou d’une combinaison des deux. Généralement, on pourra alors effectuer un rachat intégral une fois que la condition d’invalidité aura été remplie. Cependant, si l’on opte pour des mensualités, les versements prendront fin en cas de décès du prestataire.
La convention d’actionnaires devrait prévoir le mode de paiement, définir les obligations de chaque partie à l’égard de ce paiement et régler tout manque à gagner possible (p. ex., par suite de la cessation des versements au décès).
Deux méthodes de paiement au fil du temps sont possibles : le ou les actionnaires non invalides achètent les actions de la partie invalide au moyen d’un billet à ordre; ou Les prestations reçues au titre du contrat (détenu selon la méthode du rachat croisé) servent à rembourser le billet à ordre pendant la période d’exigibilité de ces prestations. L’avantage de cette méthode est qu’elle permet au vendeur de demander une réserve sur une période de cinq ans. De même, dans le scénario du rachat, le prix du rachat peut être couvert à l’aide d’un billet à ordre, qui sera remboursé au fur et à mesure de la réception des sommes assurées. Mais dans ce cas, aucune réserve n’est disponible. L’actionnaire invalide est tenu de geler sa participation dans l’entreprise à la date de l’événement déclencheur, et les sommes assurées payables à la société servent à racheter au fil du temps les actions gelées de l’actionnaire invalide.
Tarification et assurabilité
Les produits d’assurance invalidité font l’objet d’une tarification financière rigoureuse, afin qu’il ne soit pas plus avantageux pour une personne de recevoir des prestations d’invalidité que de demeurer active dans une entreprise. Dans le cas d’une assurance rachat en cas d’invalidité, l’assureur exige généralement les états financiers et des évaluations de la société pour accorder le montant demandé.
Les contrats d’assurance rachat en cas d’invalidité prévoient que les actionnaires doivent prouver la valeur de la société lorsqu’ils présentent une demande de règlement. Les sommes assurées correspondent à la juste valeur marchande de la société ou à la couverture en vigueur, selon le moindre de ces montants.
Une autre question qui se pose fréquemment dans le contexte de l’assurance rachat en cas d’invalidité porte sur l’assurabilité de tous les actionnaires. Couvrir un montant manquant lorsque l’un des actionnaires ne peut être assuré peut exiger une approche différente des clauses de rachat contenues dans la convention d’actionnaires.
Peut-on recourir à l’assurance maladies graves?
L’assurance maladies graves est de plus en plus considérée comme un mécanisme possible de financement d’une clause de rachat en cas d’invalidité. Elle prévoit le versement d’une somme forfaitaire en cas de diagnostic d’une affection couverte, pourvu que l’assuré survive pendant la période spécifiée (généralement 30 jours). Le principal problème que pose alors la rédaction de la convention a trait, encore une fois, à la façon dont le terme « invalidité » sera défini et à la personne qui tranchera la question.
L’actionnaire atteint d’une maladie grave n’est pas nécessairement invalide. De même, un actionnaire peut devenir invalide sans avoir reçu le diagnostic d’une maladie grave couverte par un contrat d’assurance maladies graves. Il peut donc y avoir un décalage entre l’événement déclencheur du rachat et le financement effectué au moyen de l’assurance. Même si des prestations d’assurance maladies graves deviennent payables et même si l’assuré/actionnaire satisfait par la suite à la définition d’invalidité (quelle qu’elle soit), il peut y avoir un intervalle considérable entre les deux événements. Par conséquent, la convention devrait prévoir que le produit de l’assurance maladies graves sera retenu durant la période nécessaire pour que l’assuré/actionnaire ait satisfait à la définition d’invalidité, et elle devrait couvrir l’éventualité où un rachat en cas d’invalidité serait exigé sans avoir été financé, puisqu’une invalidité peut survenir sans qu’une prestation pour maladie grave ne soit payable.
On peut être tenté de lier l’événement déclencheur du rachat à la date d’exigibilité du produit de l’assurance maladies graves. Cependant, le résultat pourrait être inapproprié, car un actionnaire ne souhaite pas nécessairement se départir de ses intérêts dans l’entreprise à la suite d’une maladie grave. Il se peut qu’il ne soit pas durement touché par la maladie et veuille demeurer lié à l’entreprise. Il est également possible que l’invalidité ne résulte pas d’une maladie grave. C’est pour ces raisons que l’on ne recourt pas souvent à une assurance maladies graves pour financer des clauses de rachat en cas d’invalidité.
En général, le traitement fiscal des prestations maladies graves et la rédaction d’une convention de rachat reposant sur une assurance maladies graves sont semblables à ceux qui s’appliquent à l’assurance invalidité, lesquels ont été exposés plus haut.
Valeurs de rachat d’un contrat d’assurance vie comme source de financement d’un rachat en cas d’invalidité
Sous réserve des limites fixées par la Loi de l’impôt sur le revenu et le règlement y afférent, on peut accumuler des valeurs de rachat importantes dans un contrat d’assurance vie « exonéré ». On a accès à ces valeurs de plusieurs façons. Le contrat d’assurance vie permet des avances sur contrat et des rachats partiels (souvent appelés retraits de la valeur de rachat). Ces opérations étant considérées comme des « dispositions » en vertu du paragraphe 148(9) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), tout gain imposable réalisé au titre du contrat (produit de disposition moins coût de base rajusté total ou partiel du contrat) entre dans le revenu du titulaire du contrat en vertu du paragraphe 148(1) de la Loi. Pour en savoir davantage sur l’imposition des dispositions d’un contrat d’assurance vie, voir le bulletin Actualité fiscale intitulé « Disposition des contrats d’assurance vie ».
Certains contrats d’assurance vie stipulent qu’en cas d’invalidité de l’assuré, le titulaire du contrat pourrait avoir droit à un montant n’excédant pas la valeur de rachat nette du contrat à titre de prestation d’invalidité. En ce qui concerne des intérêts dans un contrat d’assurance vie, la « disposition » ne comprend pas « un versement en vertu du contrat à titre de prestation d’invalidité… » (définition de « disposition » à l’alinéa h) du paragraphe 148(9) de la Loi). Pour en savoir davantage sur l’imposition des prestations d’invalidité versées au titre d’un contrat d’assurance vie, voir le bulletin Actualité fiscale intitulé « L’imposition des prestations d’invalidité aux termes d’un contrat d’assurance vie ».
Une solution de rechange consiste à utiliser la valeur de rachat nette du contrat d’assurance vie pour garantir un emprunt bancaire. Cette opération n’est pas considérée comme une disposition du contrat. Pour en savoir davantage sur ce sujet, voir les bulletins Actualité fiscale intitulés « Cession en garantie d’un contrat d’assurance vie détenu par un particulier » et « Cession en garantie d’un contrat d’assurance vie détenu par une société ».
La principale limite de l’utilisation des valeurs de rachat d’un contrat d’assurance vie, quel que soit le mode d’accès à celles-ci, comme option de financement d’une clause de rachat en cas d’invalidité contenue dans une convention d’actionnaires est essentiellement d’ordre pratique. Il n’y a de financement que dans la mesure où le contrat comporte des valeurs de rachat. Par exemple, si le contrat n’est en vigueur que depuis une courte période et si une invalidité survient, les valeurs de rachat seront probablement insuffisantes pour financer un rachat en cas d’invalidité.
Conclusions
Le présent bulletin Actualité fiscale a pour but de souligner l’importance d’une bonne compréhension de la complexité des rachats en cas d’invalidité et de sensibiliser le lecteur au fait que les problèmes ne peuvent être résolus au moyen d’une solution unique. Chaque convention d’actionnaires doit être rédigée compte tenu des intentions des parties et des diverses éventualités. Voilà pourquoi il y a peu de documents sur les clauses de rachat en cas d’invalidité qui traitent adéquatement des éventualités.
Lorsqu’une assurance invalidité est envisagée, souscrite et maintenue en vigueur, la définition et la détermination de l’invalidité peuvent être confiées à un tiers assureur impartial. Et, une fois que les conditions de versement des prestations au titre du contrat sont remplies, les modalités du rachat peuvent être exécutées telles qu’elles ont été envisagées. On peut choisir d’autres types de financement reposant sur une assurance (assurance maladies graves ou valeurs de rachat d’un contrat d’assurance vie), mais on doit tenir compte de leurs limites pour déterminer si ce sont des options valables de financement des clauses de rachat en cas d’invalidité contenues dans une convention d’actionnaires.
On trouvera ci-dessous des clauses types de rachat obligatoire en cas d’invalidité, selon la méthode du rachat croisé (avec ou sans fiduciaire) et la méthode du rachat par la société. On doit lire ces clauses en se reportant au « Guide sur les clauses générales à inclure dans les conventions de rachat au décès et en cas d’invalidité ».
Les clauses contenues dans la présente annexe ont été rédigées à titre de lignes directrices destinées aux conseillers juridiques. Une convention d’actionnaires qui contient des clauses de rachat en cas d’invalidité est un important document juridique, et toutes les parties à l’entente devraient consulter leur propre conseiller juridique. Une fois conclue, l’entente devrait être rédigée par un avocat possédant des connaissances et de l’expérience en la matière. En publiant les clauses types, la Financière Manuvie ne s’engage pas à fournir des conseils professionnels d’ordre juridique ou autre.
Ces clauses types supposent qu’une assurance rachat en cas d’invalidité est en vigueur. Elles supposent en outre le paiement d’une somme forfaitaire plutôt qu’une série de versements. On peut les modifier si l’on veut envisager une série de versements. Enfin, les clauses types supposent que l’assuré a satisfait à la définition d’invalidité et au délai de carence, de sorte que le produit de l’assurance invalidité pourra être versé. Ainsi, ce versement constitue un événement déclencheur du rachat et élimine la nécessité de définir le terme « invalidité » et de prévoir un délai de carence dans la convention. Toutefois, en l’absence d’une assurance rachat en cas d’invalidité, les clauses types seront inopérantes.
Méthode du rachat croisé sans fiduciaire
Obligation d’acheter et de vendre
À la réception du produit de l’assurance invalidité, les opérations suivantes seront effectuées :
1.1 L’actionnaire non invalide (l’ « acquéreur ») achètera toutes les actions (les « actions acquises ») détenues par l’actionnaire invalide ou par une société dont ce dernier a le contrôle (le « vendeur »), pour le prix d’acquisition fixé conformément aux conditions contenues dans la présente convention.
1.2 Toutes les actions acquises seront vendues par le vendeur ou par son représentant légal à l’acquéreur dans un délai de ___ jours, au prix d’acquisition indiqué ci-dessus et conformément aux conditions contenues dans la présente convention.
À la réception des sommes assurées
2.1 L’acquéreur affectera le produit de l’assurance invalidité à l’acquisition des actions de l’actionnaire invalide, pour un montant fixé selon les clauses afférentes au prix d’acquisition contenues dans la présente convention.
2.2 À la réception par l’acquéreur du produit du contrat ou des contrats d’assurance invalidité établis sur la tête de l’actionnaire invalide, le vendeur vendra à l’acquéreur toutes les actions détenues par l’actionnaire invalide à la date du début de l’invalidité, pour le prix d’acquisition fixé selon les clauses pertinentes de la présente convention.
Insuffisance du financement au moyen de l’assurance invalidité
3.1 Si la somme à recevoir par l’acquéreur au titre du contrat ou des contrats d’assurance invalidité indiqués dans l’Annexe ___ en raison de l’invalidité de l’actionnaire invalide est inférieure au prix d’acquisition des actions du vendeur, l’acquéreur remettra au vendeur ou au représentant légal de ce dernier un billet à ordre pour le solde de la somme due. Le billet à ordre arrivera à échéance au plus tard ___ans après la date de réception du produit de l’assurance invalidité, et il portera intérêt au taux préférentiel exigé à l’occasion par la ___________ (banque) pendant cette période de ___ans, calculé semestriellement et non d’avance et rajusté trimestriellement, en fonction du taux bancaire. L’acquéreur peut à tout moment rembourser le capital du billet à ordre par anticipation sans avis ni pénalité; jusqu’au remboursement intégral du capital, il doit payer trimestriellement au vendeur ou au représentant légal de ce dernier les intérêts courus sur le capital impayé.
Méthode du rachat croisé avec fiduciaire
Obligation d’acheter et de vendre
À la réception du produit de l’assurance invalidité, les opérations suivantes seront effectuées :
1.1 Le fiduciaire (l’« acquéreur ») achètera toutes les actions (les « actions acquises ») de l’actionnaire invalide (le « vendeur »), et le vendeur ou son représentant juridique vendra à l’acquéreur toutes les actions acquises. Les actions acquises seront vendues pour leur juste valeur marchande fixée dans la présente convention. L’acquéreur achètera toutes les actions du vendeur au profit des actionnaires non invalides, et il les répartira entre ces derniers au prorata de leurs participations respectives dans la société, actions du vendeur non comprises.
Insuffisance du financement au moyen de l’assurance invalidité
2.1 Si la somme à recevoir par l’acquéreur (titulaire et bénéficiaire) au titre des contrats d’assurance invalidité indiqués dans l’Annexe ___ en raison de l’invalidité du vendeur est inférieure à la juste valeur marchande des actions, fixée dans la présente convention, de l’actionnaire invalide, chaque actionnaire non invalide remettra à l’actionnaire invalide ou au représentant légal de ce dernier un billet à ordre pour sa part du solde dû. Les billets à ordre arriveront à échéance au plus tard ____ ans après la date de réception du produit de l’assurance invalidité, et ils porteront intérêt au taux préférentiel fixé à l’occasion par la ______________ (banque) pendant cette période de ___ ans, calculé semestriellement et non d’avance et rajusté trimestriellement, en fonction du taux bancaire. Les actionnaires non invalides peuvent à tout moment rembourser le capital des billets à ordre par anticipation sans avis ni pénalité; jusqu’au remboursement intégral du capital, ils doivent payer trimestriellement au vendeur ou au représentant légal de ce dernier les intérêts courus sur le capital impayé.
Méthode du rachat par la société
Rachat obligatoire
Obligation d’acheter et de vendre
1.1 Les parties conviennent que, à la réception du produit de l’assurance invalidité, la société sera tenue d’acheter de l’actionnaire invalide, et ce dernier ou son représentant légal sera tenu de vendre à la société, les actions détenues par l’actionnaire invalide à la date de son entrée en invalidité. Le prix d’acquisition correspondra au prix du rachat fixé conformément à la présente convention.
Autres clauses pertinentes
Détermination du compte de revenu à taux général (CRTG)
2.1 La société déterminera le compte de revenu à taux général (CRTG) dès qu’elle aura reçu le produit de l’assurance invalidité ou que cela sera raisonnablement possible.
2.2 L’actionnaire invalide ou son représentant légal et la société fixeront la partie du solde du CRTG qui sera affectée au paiement d’un dividende déterminé, le cas échéant, à l’actionnaire invalide ou à son représentant juridique.
2.3 Si l’actionnaire invalide ou son représentant légal et la société ne s’entendent pas sur l’affectation du CRTG, la question sera tranchée selon le mécanisme de résolution des différends énoncés dans la convention.
Dividendes impayés
3.1 Si des dividendes déclarés par la société sur tout ou partie des actions demeurent impayés, en totalité ou en partie, à la date à laquelle la société reçoit le produit de l’assurance invalidité, elle versera le montant impayé, en entier, à la date de la signature de l’acte d’acquisition; ce montant ne fera pas partie du prix d’acquisition des actions et ne constituera pas un paiement partiel ou intégral de celui-ci.
Insuffisance du financement au moyen de l’assurance invalidité
4.1 Si la valeur des actions que doit racheter la société excède le produit du contrat ou des contrats d’assurance invalidité indiqués dans l’Annexe __, payable en raison de l’invalidité de l’actionnaire invalide, la société pourra payer l’excédent en une somme forfaitaire au moyen d’un billet à ordre ou chacun des actionnaires non invalides pourra remettre un billet à ordre pour un montant égal à sa quote-part du solde à payer ou ces deux modes de paiement pourront être combinés. Si un billet à ordre est remis, il arrivera à échéance au plus tard ____ ans après la date de réception du produit de l’assurance invalidité et portera intérêt au taux préférentiel fixé à l’occasion par la ______________ (banque) pendant cette période de ___ ans, calculé semestriellement et non d’avance et rajusté trimestriellement, en fonction du taux bancaire. Le capital du billet à ordre pourra être remboursé en tout temps sans avis ni pénalité; jusqu’au remboursement intégral du capital, les intérêts courus sur le capital impayé doivent être versés trimestriellement à l’actionnaire invalide ou au représentant légal de ce dernier.
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